lundi 23 mai 2011

Peur sur Lutèce : une enquête du centurion Marcus Pius

Lutèce, 358 après J-C. Plusieurs femmes enceintes de la capitale des Gaules sont frappées par une étrange maladie. Toutes possèdent les mêmes symptômes : angoisses nocturnes, douleurs ventrales, fièvres, hémorragie… Plus étrange encore, leurs troubles sont apparus suite à la disparition de leurs sages femmes attitrées, remplacées soudainement par des consœurs sorties de nulle part. Sortilège, empoisonnement, épidémie, théorie du complot… Le centurion Marcus Pius est chargé de l’enquête par le César Julien. L’urgence de la situation est décuplée par le fait qu’Hélène, l’épouse de Julien, elle aussi enceinte, vient d’arriver à Lutèce et qu’elle semble a son tour avoir contracté ce mal mystérieux.

Une intrigue simple et linéaire, une écriture sans relief, beaucoup de dialogues et très peu d’action. Que reste-t-il pour sauver cette aventure du soldat Marcus Pius ? Et bien beaucoup de choses en fait. La description ultra réaliste de la vie garnison et du fonctionnement de la hiérarchie dans la légion est assez fascinante. Par ailleurs, l’auteur apporte un éclairage précis sur les connaissances et les pratiques médicales de l’époque. La découverte de Lutèce, des ruelles sombres aux tavernes bruyantes, est quant à elle un régal pour le lecteur qui s’intéresse aux grandes cités antiques. Sans compter que le roman permet de mieux comprendre l’organisation politique et militaire du bas empire romain à peine un siècle avant sa chute définitive. Dernier point, l’intrigue met en lumière la montée en puissance du christianisme au dépend du paganisme, un événement fondamental qui mènera l’Europe vers les sombres premières heures du Moyen Âge.

C’est un fait Patrick Demory est un historien passionné et érudit avant d’être un écrivain. Mais la note qu’il a rédigée en fin d’ouvrage apporte un éclairage complet sur la démarche qu’il a mis en œuvre pour créer son roman. Cette postface est fondamentale car elle permet au lecteur de voir la cohérence de son projet, entre rigueur scientifique et volonté de proposer une fiction policière historique.

Au final, non seulement j’ai passé un agréable moment de lecture mais j’ai en plus grandement amélioré mes connaissances sur une période de l’histoire dont j’ignorais bien des détails. Un grand merci donc à Babelio et aux éditions Calleva pour m’avoir permis de découvrir l’univers du centurion Marcus Pius.

Peur sur Lutèce : une enquête du centurion Marcus Pius, de Patrick Demory, Éditions Calleva, 2011. 270 pages. 18,00 euros.

 
Ce billet signe ma seconde participation au chalenge de Soukee

vendredi 20 mai 2011

Moi, j’aime pas comme je suis

Moi, j’aime pas mes joues, elles sont trop grosses. Mes bras non plus je les aime pas. Trop poilus. Et pour mon nez, c’est pareil. Trop pointu. Je voudrais être comme Sonia, ma meilleure copine : grande, fine, avec de beaux cheveux blonds. Devant elle, les garçons baissent les yeux. Dans ma chambre, des fois, j’imagine que je suis une actrice ou une chanteuse tellement jolie que moi aussi je fais baisser les yeux des garçons. Après tout, qui sait, ça arrivera peut-être un jour…

Grâce à Alma Brami et Amélie Graux j’ai pu une fois de plus partager un joli moment de lecture avec Romane, ma petite dernière. Son avis est sans appel : elle a adoré cet album où l’on parle d’apparence, des relations fille/garçon et des premiers émois amoureux.

L’histoire se décline en doubles pages avec un minimum de texte et de grandes illustrations très parlantes. Personnellement je ne suis pas fan de ses dessins semblant avoir été réalisés au crayolas, mais bon, mon opinion, on s’en fiche peu. Le principal, c’est qu’ils plaisent aux enfants. Et là encore, le jugement de Romane a été définitif : « Elle est trop belle la petite fille avec sa natte ! ».

Voila donc une histoire simple, facilement compréhensible et au graphisme attrayant pour les petits. Un titre qui est en outre idéal pour aborder en douceur la question de l’estime de soi avec de jeunes enfants.


Moi, j’aime pas comme je suis d’Alma Brami et Amélie Graux, Albin Michel jeunesse 2011. 24 pages. 10,90 euros. A partir de 5 ans.

dimanche 15 mai 2011

Les trois lumières - Claire Keegan

Une fillette est amenée par son père chez des amis de la famille. Sa mère, qui a beaucoup à faire et attend son 8ème enfant, préfère qu’elle passe l’été loin de la maison. C’est donc par une journée écrasée de chaleur que la petite découvre la ferme des Kinsella, au fin fond de l’Irlande rurale. Personne ne lui a rien dit. Après tout les adultes n’ont pas à s’expliquer. Elle est un peu comme un fardeau dont on se débarrasse pour quelques temps. Un poil désorientée par ce nouvel environnement, elle se rend pourtant rapidement compte que l’attitude du couple sans enfant qui l’accueille est différente de celle de ses géniteurs. Ici, on fait attention à elle. C’est bien la première fois qu’elle est considérée comme un cadeau plutôt que comme une charge. Les Kinsella sont prévenants, attentifs à ses besoins et à ses envies. En d’autres termes, ils se comportent comme les parents aimants qu’elle n’a jamais eus. Cependant, la fillette va se rendre compte au fil du temps que ce couple si gentil lui a caché quelque chose et que, décidément, le monde des adultes est parfois étrange. Au final, il lui restera tout de même la délicieuse impression d’avoir passé un été inoubliable, sorte de parenthèse enchantée dans une existence jusqu’alors bien morne.

Court roman ou longue nouvelle ? Peu importe. Claire Keegan décrit avec maestria le moment crucial où une fillette passe de l’autre coté de l’enfance. Un texte à la première personne qui met en scène des personnages taiseux dans une région où se disputent pauvreté sociale et traditions séculaires. Tout en subtilité, son écriture relève de l’esquisse. Un peu à la manière des impressionnistes, elle procède par petites touches successives jouant sur les contrastes et la lumière. Sa prose, très elliptique, se focalise sur les sensations, le ressenti par rapport à la nature, entre le bruissement des feuilles et le doux clapotis de l’eau.

Un récit lumineux, touché par la grâce, bouleversant de tendresse. Avec ce texte d’à peine cent pages, tout en retenu, où affleure une sensibilité d’une rare justesse, Claire Keegan m’a fait passer un moment de lecture inoubliable. A n’en pas douter, une des plus belles surprises de l’année 2011.

Les trois lumières, de Claire Keegan, éditions Sabine Wespieser, 2011. 100 pages. 14 euros.

vendredi 13 mai 2011

Seuls 6 : la quatrième dimension et demie

Bon, je vais essayer d’en dire suffisamment sans en dire trop pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui découvrent seulement la série. Promis, je ne vais rien spolier (enfin j’espère !!!). Petit rappel de l’intrigue pour commencer : Seuls met en scène des enfants qui se sont un jour réveillés dans une ville dont tous les adultes avaient disparu. Totalement livrés à eux-mêmes, ils tentent de comprendre les raisons de cette disparition tout en essayant de vivre ensemble de façon civilisée dans un monde leur offrant une totale liberté. Une équation difficile à résoudre tant les événements dramatiques vont se succéder et mettre à mal leur amitié naissante.

Ce sixième volume reprend où le premier cycle s’était terminé, à savoir juste après que les enfants aient compris les causes de leur isolement (ne pas spolier, ne pas spolier !). Disons simplement que ce tome va voir deux clans s’affronter, avec d’un coté le clan du soleil et de l’autre, le clan des étendards. Une lutte sans merci s’engage pour s’approprier les bâtiments municipaux et leurs richesses : de la bibliothèque au supermarché, du musée à la piscine municipale, l’action se déroule dans des lieux très différents. Et si l’on y rajoute une messe qui dégénère et une séance de spiritisme aux résultats plus qu’inquiétants, il faut bien reconnaître qu’une fois de plus l’intrigue ne souffre d’aucun temps mort.

Même si la fin du premier cycle apportaient quelques éclaircissements notables, il reste un nombre incalculable de questions en suspend. Il ne faut pas oublier que le but premier des auteurs a toujours été de raconter les aventures d’enfants devant vivre sans la présence d’adultes. Les rapports entre les personnages sont donc à leurs yeux plus importants que le mystère entourant leur situation. Pour autant, et surtout afin de ne pas tirer en longueur l’énigme inaugurale de la série, il a bien fallu apporter quelques réponses concrètes en clôturant le 5ème tome. Certains lecteurs estimeront peut-être que cette façon de diffuser les informations clés avec parcimonie relève du saupoudrage et estimeront que l’intrigue n’avance pas suffisamment vite. Personnellement, cela ne me gène pas que Gazzotti et Vehlmann prennent leur temps. C’est toujours un plaisir de retrouver Dodji et ses compagnons et je suis partant pour que leur étrange odyssée dure encore le temps de quelques albums.

Seuls T6 : la quatrième dimension et demie de Fabien Vehlmann et Bruno Gazzotti, Dupuis, 2011. 48 pages. 10.45 euros.



Le challenge Palsèche de Mo'

mercredi 11 mai 2011

Les princesses aussi vont au petit coin

Un couple ayant décidé de tout plaquer pour partir sur les routes à bord de son combi-volkswagen prend en charge Jorn, un autostoppeur au regard un brin halluciné. L’homme est armé et persuadé d’être pourchassé par des tueurs car il a en sa possession des éléments mettant gravement en cause les multinationales cigarettières. Prenant en otage ceux qui l’ont recueilli, Jorn veut se rendre dans le bunker où est caché son dossier compromettant. Un voyage sous haute tension qui mettra les nerfs des protagonistes à rude épreuve.

Un nouveau Chabouté, comme tous les ans me direz-vous. C’est un fait, l’auteur de Fables amères publie un album chaque année et il semble élargir son cercle de fans à chaque nouvel opus. Alors, que donne le cru 2011 ? Pour tout dire, Chabouté fait du Chabouté. Une histoire comme d’habitude nourrit de petits faits d’actualités avec des personnages tout ce qu’il y a de plus banal. Pour le coup, il met quand même en scène cette fois-ci un preneur d’otage sacrément barré. La question qui traverse l’intrigue reste en suspend jusqu’à la dernière page : Jorn est-il complètement parano ou a-t-il vraiment aux trousses des tueurs au service d’un complot mondial ? Difficile de deviner où l’auteur veut nous emmener. La narration est complètement déconstruite et se permet de surprenantes mises en abimes. Pour le coup, certains lecteurs risquent de se sentir un peu perdus. Mais pas de panique pour autant, l’histoire a bien un début et une fin, c’est juste qu’entre les deux, Chabouté s’est amusé à tout mélanger, gardant quand même une certaine rigueur pour que sa partition ne souffre pas de fausses notes et reste compréhensible.

Comme d’habitude aussi, beaucoup de silences, des « héros » taciturnes aux physiques passe-partout. Comme d’habitude toujours, ce noir et blanc d’une incroyable puissance, ce trait nerveux que l’on reconnait au premier coup d’œil, ce découpage limpide où la caméra multiplie les très gros plans et les cases panoramiques, incitant le lecteur à prendre son temps pour profiter de chaque détail.

Bref, quitte à me répéter, Chabouté fait du Chabouté. Et pourtant sur le fond je n’ai pas vraiment été embarqué par l’intrigue. C’est marrant mais je me suis douté dès le départ que cette histoire finirait comme ça. Et puis les trois personnages principaux m’ont laissé de marbre. En fin de compte, j’ai survolé cet album sans vraiment y entrer. Disons que ce Chabouté version 2011 mérite sans doute une relecture plus attentive. De toute façon, je ne doute pas que je pourrais lire d’ici peu d’autres avis qui me permettront d’affiner mon ressenti sur ce one shot assez particulier.

Les princesses aussi vont au petit coin de Christophe Chabouté, Vents d’Ouest, 2011. 106 pages. 17.99 euros.





Le challenge Palsèche de Mo'


lundi 9 mai 2011

La mort et la belle vie

A 40 ans, l’inspecteur Al Barnes est mis en congé de la police de Seattle après avoir été blessé par balles. Sa maigre pension ne lui permettant pas de vivre sans travailler, il part s’installer à Plains, dans le Montana, où il est engagé comme shérif adjoint. Un job pépère par rapport à la folie de la grande ville. Seulement, quand une psychopathe s’amuse à fracasser le crâne des autochtones à coups de hache, les événements prennent une tournure beaucoup plus lugubre. Surtout si l’on y ajoute un décès suspect qui, malgré les apparences, semble ne rien avoir en commun avec les précédents…

Richard Hugo est considéré par beaucoup comme le fondateur de l’école littéraire de Missoula, dans le Montana. Essentiellement reconnu pour ses travaux poétiques, il a voulu, avec La mort et la belle vie, rendre tout à la fois hommage à sa région d’adoption et aux grands maîtres du polar américain. C’est une évidence, il y a du Raymond Chandler et du Dashiell Hammett dans cette intrigue reposant sur le parcours intime d’un ex-policier entouré de femmes fatales et cyniques. Une certaine puissance narrative, une belle maîtrise des dialogues et un soupçon d’humour place le texte au dessus d’un simple roman de gare.

Mais attention, soyons honnête, ce titre n’est pas non plus le polar du siècle. L’intérêt premier réside dans la personnalité originale du héros, poète au grand cœur dont la bonté naturelle l’empêche souvent de procéder aux interpellations des suspects. Al Barnes et les paysages du Montana sont donc les deux points forts du roman. Pour le reste, l’enquête tire quelque peu en longueur et la fin alambiquée ne permet pas à l’intrigue de finir en beauté. Un bon moment de lecture pas forcément inoubliable, voila comment je qualifierais cette unique tentative romanesque de Richard Hugo.

La mort et la belle vie, de Richard Hugo. 10/18, 1999. 268 pages. 7 euros.


Ce billet signe ma seconde participation au challenge Nature Writting de Folfaerie :

vendredi 6 mai 2011

Pue-du-Bec et la petite chips de trop…

Fish est un petit poussin qui vient de naître. Il n’a passé qu’une journée en dehors de sa coquille et il ne rêve que d’une chose, y retourner ! Il faut dire qu’il n’a pas été gâté au cours de ses premières 24 heures. Un cochon a failli l’écraser, une vache l’a couvert de bouse et pour finir tout le monde lui reproche son haleine épouvantable et le surnomme Pue-du-bec. Tout ça parce que sa mère s’est gavée de chips à la sardine pendant sa grossesse. Mais est-ce que se renfermer sur soi-même représente une vraie solution ? Ne vaut-il pas mieux être encadré, rassuré et protégé pour faire ses premiers pas ?

Encore un album lu et approuvé par Romane, ma petite dernière (5 ans). Elle a beaucoup rit en découvrant certaines illustrations même si elle n’a pas forcément compris toutes les allusions (madame Mouche à mmm… par exemple, ça ne lui a rien dit du tout !).

Le graphisme est très épuré, tenant presque du crayonné. L’intérêt majeur réside dans le fait que les animaux sont vus à hauteur de poussin. Ce point de vue très particulier rend chaque chose immense et impressionnante et renforce l’aspect effrayant du monde extérieur. Par ailleurs, l’absence de décor n’est pas préjudiciable car ce qui compte, ce sont avant tout les très gros plans.

La difficulté de se confronter aux autres dès le plus jeune âge constitue la thématique centrale de l’album. Il faut bien sûr y ajouter le rôle primordial de la maman, cette protectrice aimante sur laquelle notre poussin va pouvoir s’appuyer pour trouver du réconfort et prendre confiance en lui. Un album joliment construit et fort bien réalisé qui mérite assurément qu’on y jette un œil.

Pue-du-Bec et la petite chips de trop… d’Emmanuelle Lepicard et Lili Pissenlit, éd Scarabéa, 2011. 52 pages. 14,90 euros. A partir de 3 ans.

mercredi 4 mai 2011

Lucky in love T1 : histoire d’un pauvre homme

En 1942, Lucky Tetsaduda a 15 ans. Cet italo-américain vivant dans le New Jersey fait les 400 coups dans son quartier avec son copain Babe. Ses deux préoccupations majeures : les filles et l’armée. Problème, Lucky ne mesure qu’un mètre soixante ce qui est un handicap quasi insurmontable, tant pour la drague que pour devenir pilote de chasse. Lorsqu’il s’engage dans l’Air Force, on fait de lui un mécano basé à Hawaï, loin du cœur du conflit. En 1946, il est libéré et rentre chez lui. Il trouve un job de livreur payé 50 cents de l’heure et, devant la médiocrité de son existence, commence à noyer son vague à l’âme dans l’alcool...

En trois longs chapitres, les auteurs dépeignent le difficile passage de l’adolescence à l’âge adulte. Lucky Tetsaduda est un jeune garçon ne trouvant pas sa place dans une société qui n’offre aucun salut aux demi-portions dans son genre. Récit d’initiation, cette « histoire d’un pauvre homme » est menée avec finesse et intelligence. Gamin frondeur, rêveur et un brin grande gueule, Lucky est un personnage attachant pour lequel le lecteur développe naturellement une certaine empathie.

Lucky in Love est une réussite, tant sur le plan historique que graphique. Historique car George Chieffet brosse un portrait réaliste de l’Amérique des années 40. Une époque où la jeunesse, après avoir subit les affres de la guerre, rentre au bercail avec des envies de gloire et d’argent. Réussite sociale et culte de l’apparence sont alors au cœur des préoccupations de ces nouveaux héros de l’Amérique. Un tremplin vers la modernité qui ne laisse pas de place aux losers... Sur le plan graphique, le travail de Stephen DeStefano est assez remarquable. La qualité de son noir et blanc aux aplats magistraux est renforcée par le papier couleur saumon qui donne petite touche vintage du plus bel effet. Convoquant tout à la fois les fantômes de Milt Gross, Rudolph Dirks (Pim Pam Poum) ou encore Harvey Kurtzman (Little Annie Fanny publiée dans Playboy), il rend un hommage appuyé à ces grands anciens dont les publications ont illuminé pendant des décennies les pages des quotidiens US.

Voila un premier volume qui prouve avec maestria à ceux qui en douteraient encore que le comics ne se limite décidément pas aux super-héros en collant moule-burnes.


Lucky in love T1 : histoire d’un pauvre homme de George Chieffet et Stephen DeStefano, éd. Çà et là, 2011. 126 pages. 14 euros.



Le challenge Palsèche de Mo'


lundi 2 mai 2011

L'enfant sauvage - TC Boyle

A l’automne 1797, en Aveyron, des paysans capturent un enfant de huit ou neuf ans ayant grandit seul dans la forêt. Enfermé à l’auberge du village, ce « sauvage » qui ne parle pas, se déplace à quatre pattes et grimpe aux arbres parvient à s’échapper par le toit. Deux ans plus tard, pendant un hiver particulièrement rigoureux, l’enfant réapparaît et s’introduit dans une maison pour se réchauffer. A nouveau capturé, le garçon est emmené à Paris, à l’institution des sourds-muets, pour y être étudié par l’abbé Sicard, le directeur de l’établissement. Ce dernier, considérant le sauvage comme un incurable simple d’esprit auquel on ne pourra jamais rien apprendre, le confie aux bons soins du docteur Itard, un jeune médecin de 25 ans persuadé de pouvoir « élever » cet enfant n’ayant jamais connu la civilisation…

TC Boyle revisite ici l'histoire de Victor de l’Aveyron. Et si François Truffaut, dans son film de 1970, offrait une vision humaniste et positive de l’éducation de Victor, force est de reconnaître que l’auteur américain ne partage pas cette position. Malgré les efforts constants visant à donner au sauvage les éléments nécessaires pour faire de lui un homme digne de ce nom, Itard doit constater que les quelques progrès constatés ici ou là sont souvent de courte durée. Victor régresse, son comportement reste très éloigné de celui admis en société et surtout il est ne parvient pas à apprendre le langage. Comment lui enseigner les règles de la morale et du savoir-vivre sans langage ? Ne pouvant formuler ses propres désirs et encore moins les exprimer à autrui, Victor n’intégrera jamais le monde qui l’entoure. Et quand Itard constate que tous ses efforts restent vains, il finit par baisser les bras et laisse l’enfant sauvage aux bons soins de sa fidèle servante.

Le célèbre auteur américain offre une vision pessimiste mais passionnante : et si l’homme, lorsqu’il grandit totalement isolé de ses congénères, restait un animal incapable d’apprendre ? Un point de vue certes discutable mais qui mérite d’être débattu.

L’enfant sauvage, de TC Boyle. Grasset, 2011. 180 pages. 14 euros.

mercredi 27 avril 2011

Les schtroumpfs 29 : Les schtroumpfs et l’arbre d’or

C’est la fête au village des schtroumpfs. On célèbre la nouvelle année sous l’arbre d’or, symbole de santé et de prospérité pour toute la communauté. Mais soudain, un terrible orage éclate et la foudre vient frapper l’arbre totem. Pour les schtroumpfs cela n’augure rien de bon. D’ailleurs, dans les jours qui suivent, les catastrophes se succèdent : invasion de limaces dans le potager, légumes qui pourrissent au garde-manger, tremblement de terre… Les schtroumpfs sont persuadés que le mauvais œil s’est penché sur le village et ils tentent par tous les moyens de conjurer le sort. Entre fer à cheval, patte de lapin ou trèfle à quatre feuilles, chacun cherche à se protéger comme il peut. Voyant la situation empirée chaque jour davantage, le grand schtroumpf décide de partir à la recherche d’un nouvel arbre d’or, seul moyen pouvant redonner confiance aux siens et leur permettre de retrouver la gaieté et l’insouciance qui les caractérisent.

Comme chaque année, lorsque le printemps revient, un album des schtroumpfs sort dans les bacs. Et à chaque fois, rien à faire, je cours chez le libraire acheter la nouvelle cuvée. Une sorte de rituel immuable qui dure depuis une éternité. Mais que vaut vraiment ce cru 2011 ? Après trois albums franchement réussis (Les schtroumpfs et le livre qui dit tout, Schtroumpf les bains, La grande schtroumpfette), force est de reconnaître que ce 29ème opus est un ton en dessous.

Une fois encore, les scénaristes ont mis en pratique la recette consistant à dénoncer un comportement humain en l’appliquant à la communauté des schtroumpfs. Cette fois-ci, ce sont la superstition et les croyances populaires qui s’invitent au village. Pour le coup, la mayonnaise ne prend pas vraiment. L’intrigue est décousue et les situations sont un brin répétitives. L’humour est finalement très peu présent et il manque les running gags qui font souvent le sel de la série. Surtout, écueil le plus important, il me semble que les enfants ne vont pas saisir les tenants et les aboutissants du scénario. En général, un album des schtroumpfs propose toujours plusieurs niveaux de lecture, c’est ce qui fait le charme de la série et la rend vraiment tout public. Là, avec ce thème si particulier, ils ne vont pour la plupart pas saisir les subtilités propres aux comportements superstitieux et risquent de ne pas trouver grand intérêt à cette histoire.

Bref, tout ça pour dire que je n’ai pas spécialement passé un bon moment avec ce nouveau Schtroumpfs. Mais peu importe, je serais encore là l’année prochaine pour découvrir le 30ème tome de la série.


Les schtroumpfs T29 : Les schtroumpfs et l’arbre d’or, d’Alain Jost, Thierry Culliford et Pascal Garray, édition du Lombard, 2011. 48 pages. 10,45 euros.