mardi 3 juillet 2012

Le premier mardi, c'est permis (8) : Pierre Louÿs, oeuvre érotique

Louÿs © Robert Laffont 2012
Pierre Louÿs est l’auteur, entre autres, d’Aphrodite et de La femme et le pantin, deux romans de facture classique ayant connu un réel succès au moment de leur publication à la toute fin du 19ème siècle. Mais c’est aussi et surtout l’auteur d’une œuvre érotique considérable dont les nombreux manuscrits retrouvés après sa mort dans son hôtel particulier (plus de 400 kilos !) ont malheureusement été dispersés par ses héritiers dans des collections particulières. Reste que de nombreux textes ont été publiés sous le manteau dans les années 1920 et continuent à l’être de nos jours dans des éditions beaucoup moins confidentielles.

L’œuvre érotique rassemblée ici sur plus de 1000 pages montre l’incroyable diversité des textes abordés par l’écrivain : poèmes, dialogues, monologues, roman, contes, parodies, récits, pièces de théâtre, etc. Il y en a vraiment pour tous les goûts. Il faut dire que notre homme était un inépuisable érotomane. Que retenir de ce foisonnement ? Quelques thèmes sont récurrents et singularisent cette œuvre aussi décomplexée que sulfureuse : le saphisme, la prostitution, la sodomie, la scatologie et l’inceste sont les plus marquants. Si les dialogues et les monologues sont savoureux, j’ai trouvé la poésie sans grand intérêt, au contraire des parodies et des contes, plutôt truculents. Parmi les curiosités inclassables présentes dans le recueil, notons ce « Catalogue chronologique et descriptif des femmes avec qui j’ai couché » datant de 1892 dans lequel Louÿs note avec une minutie clinique chacune de ses parties de jambes en l’air. Petit exemple : « Nom oublié, 1890. Environ 25 ans. Petite brune. Baisée le 28 janvier 90, pendant un entracte de Carmen que je voyais pour la 1ère fois. Dans un hôtel, rue des lombards. » Charmant, non ? Une autre liste est sobrement intitulée « Enculées » et fait référence, comme son nom l’indique et avec moult détails, à chaque fille sodomisée par ses soins.

Reste le cas du seul roman proposé dans cette énorme somme, Trois filles de leur mère. Jean Paul Gougeon, biographe de Louÿs qui en signe la préface n’hésite pas à ranger ce roman "parmi les plus grands textes érotiques jamais écrits", et à le comparer aux œuvres les plus abouties de Sade et de Bataille. Pour lui, ce texte constitue « la profanation la plus violente de cet univers bourgeois et familial qui était celui de l’auteur, et que celui-ci se plait à bafouer tout au long de plusieurs centaines de pages. » Trois filles de leur mère serait un récit en partie autobiographique s’inspirant des rapports que l’écrivain a eu avec la femme et les filles du poète José Maria de Hérédia. Louÿs y décrit les relations d’un jeune homme de vingt ans et d’une prostituée trentenaire ayant trois filles peu farouches. Je ne suis pas spécialement pudibond (c’est le moins que l’on puisse dire) et je pensais que rien ne me choquerait plus en matière de littérature mais je dois bien avouer que ce texte m’a donné la nausée. Repoussant toutes les limites de la pornographie, Louÿs enchaîne les descriptions de scènes plus inacceptables les unes que les autres. Passe encore pour les relations incestueuses entre la mère et ses filles ou encore la scatologie la plus innommable mais il m’a été impossible de supporter la description minutieuse des ébats du narrateur avec une gamine de 10 ans nymphomane et adepte de la sodomie. Première fois de ma vie que je découvre la pédophilie en littérature et je dois bien reconnaître que j’ai du mal à m’en remettre. Dans la revue Lire du mois de juin, Baptiste Liger écrit à propos de ce volume : « Si son évocation, très décomplexée, de la pédophilie peut heurter, l’amoureux de la littérature se réjouira cependant devant certaines curiosités expérimentales. » Dans le Magazine Littéraire, Xavier Houssin s’extasie et enfonce le clou : « rien n’est sérieux, rien n’est triste, rien n’est violent, rien n’est angoissant. Louÿs est un poète qui met tout en images, qui joue avec les mots. » N’en déplaise aux critiques professionnels, le modeste lecteur que je suis, père d’une fillette de 10 ans, ne peut pas accepter pareille ignominie.  

Alors oui, je veux bien reconnaître que les écrits de Louÿs regroupées ici constituent une œuvre majeure et incontournable de la littérature érotique française mais il n’empêche que certains aspects sont à mes yeux beaucoup trop dérangeant pour que j’apprécie de quelque manière que ce soit ce type de lecture.

Œuvre érotique, de Pierre Louÿs, Robert Laffont, 2012. 1030 pages. 30 euros. 


En espérant ne pas avoir trop plombé l'ambiance, je file chez Stephie pour découvrir de nouvelles lectures inavouables proposées dans son incontournable rendez-vous mensuel.







dimanche 1 juillet 2012

Je lis tout en même temps !

J'ai déjà eu l'occasion de parler à plusieurs reprises de ma manie consistant à lire plusieurs livres en même temps. Le titre de ce blog rend d'ailleurs hommage à cette pratique que j'entretiens avec une certaine application depuis maintenant plusieurs années.

Ces derniers temps, j'ai eu l'impression que mes lectures simultanées ne faisaient que croitre de manière inquiétante. Pour en avoir le coeur net, j'ai farfouillé dans tous les coins de la maison où j'ai l'habitude de lire et j'avoue que le résultat de mes recherches est assez édifiant. Voyez plutôt :

Le rabbin congelé, de Steve Stern (éditions Autrement). Un ouvrage qui ne sortira qu'au mois d'août reçu dans le cadre de l'opération On vous lit tout du site Libfly. Ce sont les 1ères épreuves non corrigées.
4ème de couv : Pologne, 1889. Le rabbin Eliezer ben Zephyr se retrouve congelé suite à sa chute dans une mare pendant une transe mystique. Memphis, 1999, Bernie Karp retrouve dans le congélateur familial le rabbin, devenu au cours du siècle écoulé une relique familiale. Mais il y a une coupure de courant, Eliezer dégèle et se réveille bien vivant…

J'en suis où ? 110/545


Le prince écorché, de Mark Lawrence (Bragelonne). Le 1er tome d'un trilogie. Des années que je n'avais pas lu de Fantasy. Le genre ma saoule un peu, trop répétitif. Pourquoi j'ai craqué sur ce titre là ? Aucune idée, une impulsion devant la table du libraire, ça m'arrive tout le temps, pour le plus grand malheur de mon porte-monnaie.

4ème de couv : À treize ans il est le chef d'une bande de hors-la-loi sanguinaires. Il a décidé qu'à quinze ans il serait roi. Le prince Jorg Ancrath a quitté le château de son enfance sans un regard en arrière, après qu'il fut contraint d'assister au massacre de sa mère et de son frère. Depuis ce jour il n'a plus rien à perdre. Il avance porté par sa fureur.
L'heure est venue de s'emparer de ce qui lui revient de droit. À la cour de son père l'attendent la traîtrise et la magie noire. Mais le jeune Jorg ne craint ni les vivants ni les morts. Animé d'une volonté farouche, il est prêt à affronter des ennemis dont il n'imagine même pas les pouvoirs.
Car tous ceux qui ont pris l'épée doivent périr par l'épée.

J'en suis où ? 110/382


Histoires en couleurs, de Kunzang Choden (Actes Sud). Un recueil de nouvelles écrites par une auteure du Bhoutan. Comme j'aime beaucoup ce qu'écrit Bulbul Sharma sur les femmes indiennes, je me suis laissé tenter par ce titre. J'ai lu la 1ère nouvelle il y a un mois et le bouquin traîne depuis ce temps au pied de mon lit. Pas bon signe.
4ème de couv : Dans les treize nouvelles qui composent ce recueil, Kunzang Choden rend hommage aux femmes du Bhoutan et célèbre le rôle crucial qui est le leur au pays du BNB, "Bonheur national brut", en s'inspirant de la vie locale rurale comme de sa propre expérience.
Narrée dans une langue proche de l'oralité, chacune de ces histoires est porteuse d'émotion, d'humanité, de poésie et d'humour. C'est ainsi qu'une fruste jeune paysanne charriant son fumier au village se transforme, dès son arrivée à la ville, en fashionista après s'être fait poser un piercing au nombril. Ou qu'une mère de famille incite ardemment son fils à devenir un respectable fonctionnaire dans le seul but de pouvoir, quelque jour, faire circuler, sous les yeux admiratifs ou envieux des autres femmes du village, la photo qui témoignera de l'irrésistible ascension sociale de son rejeton...
Femmes trompées, femmes seules, femmes désirées puis abandonnées, femmes cupides ou généreuses, femmes qui se battent pour offrir à leurs enfants une vie meilleure, autant de destins dans lesquels les femmes du monde entier peuvent se reconnaître et à travers lesquels le lecteur se voit convié à une authentique rencontre avec un pays en pleine mutation, aussi lointain que méconnu.

J'en suis où ? 22/200

Du sang dans les plumes, de Joel Williams (13è note). Un recueil de nouvelles rédigées en prison par un indien ayant tué son père. La littérature américaine que j'aime : cash et sans fioriture.

4ème de couv : Au carrefour de la tradition amérindienne et de la littérature de prison, de l'humour et de la poésie, Joel Williams, le boxeur guitariste, nous fait partager les hantises mais aussi les espoirs qui rythment ses journées : tentation de la folie et de l'autodestruction, méfiance, violence, trafics, rivalités de gangs, recherche des racines ethniques, survie face à la mesquinerie et aux humiliations, défoulement dans le sport, obsession sexuelle, image de la Femme tentatrice, salut par l'art...

J'en suis où ? 94/222


Les lois de la famille, de Benjamin Law (Belfond). Une chronique familliale rédigée par un auteur australien d'origine chinoise. Vraiment excellent, furieusement drôle et très irrévérencieux.

4ème de couv : Si votre adolescence n'a été qu'un long combat orthodontaire ; si vous avez subi l'horreur fashion des années 80 ; si vous avez d'affreux souvenirs de Noëls en famille ; si vous avez participé, enfant, à des spectacles artistico-niais dans des maisons de retraite ; s'il vous reste quelques cicatrices de batailles fraternelles ; si, par hasard, vous avez vécu une rencontre aussi violente que sensuelle avec un diable de Tasmanie, ne cherchez plus, ce livre est pour vous !
En vingt-trois vignettes, Benjamin Law nous entraîne à la découverte de la plus excentrique, la plus irrésistible, la plus cruelle des familles : la sienne.
J'en suis où ? 60/260


Le roi n'a pas sommeil, de Cécile Coulon (V. Hamy). Second roman d'une toute jeune auteure pleine de promesse. Je devrais pouvoir vous en parler plus précisément dès la semaine prochaine...

4ème de couv : « Ce que personne n'a jamais su, ce mystère dont on ne parlait pas le dimanche après le match, cette sensation que les vieilles tentaient de décortiquer le soir, enfouies sous les draps, cette horreur planquée derrière chaque phrase, chaque geste, couverte par les capsules de soda, tachée par la moutarde des hot-dogs vendus avant les concerts ; cette peur insupportable, étouffée par les familles, les chauffeurs de bus et les prostituées, ce que personne n'a pu savoir, c'est ce que Thomas avait ressenti quand le flic aux cheveux gras lui avait passé les bracelets, en serrant si fort son poignet que le sang avait giclé sur la manche de sa chemise. »
Tout est là : le mutisme, le poids des regards, l'irrémédiable du destin d'un enfant sage, devenu trop taciturne et ombrageux. Thomas Hogan aura pourtant tout fait pour exorciser ses démons - les mêmes qui torturaient déjà son père.
Quand a-t-il basculé ? Lorsque Paul l'a trahi pour rejoindre la bande de Calvin ? Lorsqu'il a découvert le Blue Budd, le poker et l'alcool de poire ? Lorsque Donna l'a entraîné naïvement derrière la scierie maudite ?

J'en suis où ? 120/144

Je vois des jardins partout, de Didier Decoin (JC Lattès). J'ai acheté celui-là au moment où j'ai commencé mes plantations annuelles à la maison. L'arrivée du printemps, tout ça... Seulement avec la météo toute pourrie, rien n'a poussé et mes envies bucoliques se sont fait la malle. Du coup, le livre est en plan depuis trois mois au pied de mon lit. Il va falloir du soleil pour que je m'y remette !

4ème de couv : « Je ne suis sans doute qu'un jardinier-usager, un jardinier-profiteur, un jardinier-jouisseur. Je vais le nez en l'air et les mains dans les poches, au gré des allées d'herbe fraîche qui sinuent entre les euphorbes, les massifs d'iris, les grandes pivoines et les fougères du Sous-Bois des Amoureux. »
« Jardiner, c'est penser, mais penser par avance, imaginer, anticiper ce qui va sortir de terre - et dans quel désordre ou quelle harmonie innés ça va surgir. Et c'est avant tout faire confiance à la terre. En écrivant ce livre, je me suis aperçu qu'il n'y avait pas d'école de vie plus sûre ni plus charmante qu'un jardin, que ce soit le paradisiaque et génial Jardin Blanc conçu par Vita Sackville-West dans son domaine de Sissinghurst ou le très modeste recoin qu'on m'avait alloué dans le potager familial. »

J'en suis où ? 38/230

Nouvelles à ne pas y croire, de Fabien Maréchal (éd. Dialogues). Un recueil de nouvelles envoyé par l'auteur. Pas super emballé, je l'ai honteuseument laissé de coté mais je promet de m'y remettre bientôt.

4ème de couv : Ici, les oiseaux font la loi, les cafetières s'enfuient, vos invités se présentent nus à votre porte, les jeux télévisés vous expédient en prison mais vos voisins ont très bon goût.
Soudain plongés dans des situations qui les dépassent, les personnages de ces drôles d'histoires affrontent des questions qui traduisent l'absurdité de l'existence : jusqu'où sommes-nous dupes - de nos relations sociales, des mises en scène de la télévision, de la justice ? À quel point contribuons-nous à bâtir nos prisons ? Comment s'en évader ? Et surtout, surtout : pourquoi diantre les trains devraient-ils avoir un horaire ET une destination ?
Ces anti-héros sont chacun de nous quand la maîtrise de notre destin nous échappe, au point que la réalité semble perdre son sens. Nous nous en doutions mais ces nouvelles le prouvent : si le monde est fou, c'est bien que nous le sommes tous un peu.

J'en suis où ? 60/116


Les raisins de la colère, de John Steinbeck (Folio). J'ai décidé cette année de lire (ou relire) quelques grands classiques et celui-là en fait évidemment partie. Commencé très récemment, je le lis au boulot pendant mes pauses. Un vrai chef d'oeuvre !

4ème de couv : "Le soleil se leva derrière eux, et alors... brusquement, ils découvrirent à leurs pieds l'immense vallée. Al freina violemment et s'arrêta en plein milieu de la route.

- Nom de Dieu ! Regardez ! s'écria-t-il.
Les vignobles, les vergers, la grande vallée plate, verte et resplendissante, les longues files d'arbres fruitiers et les fermes. Et Pa dit : - Dieu tout-puissant ! ... J'aurais jamais cru que ça pouvait exister, un pays aussi beau."

J'en suis où ? 125/540

La faim, de Knut Hamsun (livre de poche).  Un classique que j'ai lu il y a plus de 20 ans et que j'ai vraiment envie de redécouvrir. Une lecture qui m'avait beaucoup marqué. Je l'ai commencé aujourd'hui !

4ème de couv : "La seule chose qui me gênât un peu, c'était, malgré mon dégoût de la nourriture, la faim quand même. Je commençais à me sentir de nouveau un appétit scandaleux, une profonde et féroce envie de manger qui croissait et croissait sans cesse. Elle me rongeait impitoyablement la poitrine ; un travail silencieux, étrange, se faisait là-dedans."

J'en suis où ? 42/285


Voila, j'ai entamé 10 livres en même temps. Je n'avais pas du tout conscience d'avoir mis en route autant de lectures différentes. Le pire c'est que cela ne me gène pas du tout et il ne m'étonnerait pas que j'en attaque une onzième dans la semaine si je fais un saut à la librairie. Je vais évidemment tous les terminer et les chroniquer dans les semaines (mois ?) à venir. Si je pouvais faire ça avant une rentrée littéraire qui s'annonce chargée (j'ai déjà noté une douzaine de titres !), ce serait parfait.



samedi 30 juin 2012

Scène de plage de Charles Gancel

Gancel © Buchet Chastel 2012
Le narrateur s’apprête à passer une journée estivale sur une plage Corse. Mateur invétéré, ce célibataire venu du continent repère d’emblée « une de ces Vénus lycéennes attardées », « beauté boudeuse dont la grâce vacille entre la fraîcheur de l’enfance et la triste corruption de l’âge adulte. » S’installant de manière stratégique afin de ne pas perdre de vue sa proie, notre homme va laisser s’écouler les heures entre baignade, sudoku et tartinage de crème solaire jusqu’au moment où il décide de passer à l’action et d’attirer la naïade dans ses filets…

Le titre résume parfaitement l’ensemble. Ces 130 pages décrivent une seule et unique journée passée en bord de mer par un fonctionnaire du sénat un rien pédant. Un parisien arrivé avec condescendance sur l’île de beauté dans le but d’étudier les tropismes culturels locaux mais qui se révèle avant tout être un érotomane maniaque et vaniteux.

Tout l’intérêt du texte tient dans les élucubrations à la première personne de ce cuistre pathétique et dans la scène finale, furieusement drôle. L’écriture volontairement boursouflée colle à merveille à la mentalité du personnage et s’il faut bien reconnaître que l’ensemble est loin d’être inoubliable, cette scène de plage fera malgré tout passer un bon moment aux lecteurs qui partiront à la rencontre de ce pseudo-expert de la drague persuadé du caractère imparable de sa stratégie.

Scène de plage de Charles Gancel. Buchet Chastel, 2012. 135 pages. 14,00 €.


Un grand merci aux éditions Buchet Chastel et à Babelio pour l’envoi de cet ouvrage.

samedi 23 juin 2012

Motel Life de Willy Vlautin

Vlautin © J'ai lu 2012
Reno, Nevada, une nuit d'hiver. Alors qu’il conduit en état d’ébriété, Jerry Lee Flannigan renverse un ado à vélo. Constatant la mort du jeune homme, il camoufle le corps sur sa banquette arrière et file chez son frère Frank. Ce dernier le convainc d’abandonner la victime devant un hôpital et tous deux partent pour le nord, décidés à faire disparaître la voiture. Commence alors une fuite sans buts, de motels en motels, pour ces hommes désespérément seuls et en totale perdition.

Célèbre chanteur et compositeur du groupe Richmond Fontaine, Willy Vlautin mène en parallèle une belle carrière d’écrivain. Dans ce 1er roman, il met en place les éléments qui caractériseront son œuvre par la suite, à savoir une plongée dans le quotidien des paumés de l’Amérique et une écriture essentiellement descriptive, très cinématographique. A l’évidence, Raymond Carver l’a beaucoup influencé, tout comme le behaviorisme, ce genre littéraire où les auteurs bannissent toute trace de psychologie au profit de la description pure. En France, Manchette a été le chantre du behaviorisme tandis qu’aux Etats-Unis, parmi les écrivains actuels, on pourrait citer Paul Auster où Georges Pelecanos. Personnellement, j’aime beaucoup cette écriture, ce qui est loin d’être le cas de tout le monde.

Vlautin cherche avant tout la sobriété et la justesse. Ses deux anti-héros, losers pathétiques sans aucune perspective d’avenir, ont quelque chose d’attachant. Le texte, traversé par une insondable tristesse, se termine de façon forcément tragique. Un premier roman qui, malgré quelques maladresses, sacre une nouvelle voix de la littérature américaine sur laquelle il va à l’évidence falloir compter.

Motel Life, de Willy Vlautin, J’ai lu, 2012. 254 pages. 7,10 euros.

 
Ce billet signe ma troisième participation au challenge au challenge Premier roman de Anne.
 
 


vendredi 22 juin 2012

La cavale de Billy Micklehurst

Willocks © Allia 2012
Billy était un « transparent ». Il appartenait à la classe la plus misérable qui soit. « Quand on le regardait, Billy pouvait avoir dix ans au-dessous ou au-dessus de la cinquantaine. Des décennies sur les routes et d’innombrables litres […] de spiritueux méthylés avaient forgé son squelette, sa peau et ses organes internes en une épave indestructible. Son visage était remarquable pour ses yeux et ses dents. Les yeux parvenaient à être à la fois profondément enfoncés et férocement protubérants ; et pendant que sa mâchoire inférieure se glorifiait d’une rangée complète de chicots jaunissants, ses gencives supérieures affreusement ravagées n’en abritaient que deux – une canine et une incisive – qui oscillaient, précaires, et dépassaient quand il refermait la bouche. » Billy le SDF vivait à Manchester, « une cité sombre. Une ville fantôme. Une ville de parias fièrement dressée, majestueusement brisée. » Billy passait ses nuits dans les cimetières, couché sur les conduits du crématorium, à la recherche d’un peu de chaleur humaine. C’est là qu’il voyait les morts et leur parlait, désespéré à l’idée de ne pouvoir leur venir en aide. Ayant depuis longtemps basculé dans la folie, parvenu au dernier degré de la misère physique et morale, Billy a été retrouvé pendu à une croix du cimetière Sud, un matin d’hiver.

Dans cette courte nouvelle rédigée à l’origine pour un magazine vendu dans la rue par des sans-abris, Tim Willocks ressuscite un souvenir de jeunesse. Alors qu’il avait 17 ans, il est devenu l’ami d’un SDF ressemblant beaucoup à Billy. Au cœur du texte, il y a la souffrance. Dans un entretien avec l’auteur en fin d’ouvrage, ce dernier affirme : « La souffrance est presque la condition sine qua non de la vie de tout être humain. Riches, pauvres, bons, mauvais, laids, nous l’éprouvons tous. » Plutôt que de la pitié, le narrateur ressent pour Billy beaucoup de respect : « Il était dur sans pour autant être méchant. Il était passé maître dans l’art de la survie. Il s’affirmait libre là où nombre d’entre nous en sont incapables. »

Un beau portrait, où, finalement, la folie n’est jamais très éloignée d’une certaine forme de lucidité. Touchant et juste.

A noter que ce tout petit livre (9 x 14 cm) propose à la fois le texte en anglais et la traduction française.

La cavale de Billy Micklehurst, de Tim Willocks, éd. Allia, 2012. 80 pages. 3,10 euros.

jeudi 21 juin 2012

Il était une fois deux oies dans une maison en feu

Baltscheit et Badel © Glénat 2009 
Second billet de ma semaine spéciale P’tit Glénat consacré cette fois-ci à un ouvrage de l’auteur allemand Martin Baltscheit.

Tout est dans le titre. Cet album raconte en effet l’histoire de deux oies dans leur maison en feu. Deux oies stupides qui passent en revue les animaux susceptibles de venir les aider sans qu’aucun, jamais, ne trouve grâce à leurs yeux. L’éléphant ? Ce gros balourd va tout piétiner. Le taureau ? Si ce vantard vient les sauver, elles vont en entendre parler jusqu’à la fin de leurs jours. Le chien ? Ce flemmard ne sortirait pas sa propre mère des flammes, c’est trop fatiguant. Plus le temps passe, plus elles tergiversent et plus l’incendie se propage. Au final, évidemment, c’est la catastrophe et les deux oies se retrouvent ensevelies sous les cendres.

Un album vraiment drôle, mais pas seulement. Bien sûr, la bêtise des deux volatiles et le langage relativement familier font sourire. Mais en filigrane l’auteur aborde la question de l’entraide, de la suffisance ou encore de l’importance de prendre des décisions quand la situation l’exige. Bref, il interpelle les enfants et sans donner une morale claire et précise, il les pousse à la réflexion ce qui est toujours une bonne chose.

Les illustrations de l’excellent Ronan Badel (Félicien Moutarde) vont à l’essentiel et complètent à merveille le texte. Un petit souci néanmoins avec le lettrage un poil trop tremblotant que les lecteurs débutants pourront avoir du mal à déchiffrer à certains endroits.

Voila en tout cas un album rigolo et intelligent à recommander chaudement.

Il était une fois deux oies dans une maison en feu de Martin Baltscheit et Ronan Badel (ill.). Glénat, 2009. 32 pages. 11 euros. A partir de 4 ans.





Baltscheit et Badel © Glénat 2009



mercredi 20 juin 2012

Martha Jane Cannary 3 : Les dernières années (1877-1903)

Blanchin et Perrissin
© Futuropolis 2012 
« Ma vie… c’est un ramassis de malheurs et de catastrophes. Trop de choses dont je n’ai pas à être fière. Je préfère encore les ragots qu’on colporte à mon sujet. » Cette phrase résume tout le paradoxe et la complexité du personnage. Difficile de faire la part des choses entre Martha Jane Cannary et Calamity Jane. La première est une femme solitaire, dépressive, terriblement fragile. La seconde est un mythe, une image d’Epinal qu’elle a elle-même érigée et qui lui a permis de devenir une figure légendaire de l’ouest.

Ce troisième tome couvre les dernières années d’une vie trépidante. Sans le sou après la disparition du Pony Express, Jane enchaîne les petits boulots, noie son mal être dans l’alcool et multiplie les conquêtes d’un soir. Engagée pour raconter son histoire dans des spectacles itinérants, elle peine certains jours à monter sur scène. Invitée d’honneur des festivités d’Oelrichs City le 4 juillet 1887, elle passe la matinée à faire le tour des saloons et sombre dans un coma éthylique qui aurait pu lui être fatal. Elle décède en 1903, à 51 ans, désespérément seule. 
      
Au-delà du mythe, Perrissin et Blanchin ont tenté de rester au plus proche de la dure réalité. Fieffée menteuse, Calamity Jane aimait s’attribuer des aventures incroyables auxquelles elle n’avait jamais participé, pour le plus grand bonheur des chroniqueurs en mal de sensations fortes. La lecture intégrale de cette remarquable trilogie permet de comprendre comment le mythe s’est construit. Femme libre ayant transgressé les codes de son époque, elle apparaît aussi indépendante et courageuse que sentimentale avec ses nombreux amants. Coquette, elle ne dédaignait pas les belles toilettes et ne s’habillait en homme que lorsqu’elle devait monter à cheval. Sans jamais l’idéaliser, les auteurs montrent avec brio comment elle a pu passer aux yeux de la majorité pour une héroïne flamboyante alors que ceux qui la connaissaient vraiment ne voyaient en elle qu’une vulgaire mythomane analphabète et alcoolique.

Aux pinceaux, Mathieu Perrissin fait encore des merveilles. Ses lavis aux tons sépia sont toujours aussi expressifs et l’ambiance qu’il parvient à distiller tout au long de l’album colle parfaitement à l’époque.
Personnage indomptable, Martha Jane Cannary restera à jamais cette femme éprise de liberté dans un monde où les hommes régnaient en maîtres. Une excellente biographie, idéale pour découvrir cette icône attachante en diable.             


Martha Jane Cannary T3 : Les dernières années (1877-1903) de Matthieu Blanchin et Christian Perrissin. Futuropolis, 2012. 110 pages. 22,50 euros.


Blanchin et Perrissin © Futuropolis 2012



lundi 18 juin 2012

Le petit vent

Collet et Boutin © Glénat 2009
Ça commence à faire un petit bout de temps que je n’ai pas présenté d’albums pour enfants ici. Il faut dire que mes filles grandissent et qu’elles lisent de moins en moins ce type d’ouvrage. Malgré tout, elles aiment toujours autant quand papa ou maman leur font la lecture à voix haute. Du coup, j’ai profité d’un passage à la librairie pour faire le plein de p’tit Glénat. J’adore cette collection hétéroclite et dans l’ensemble plutôt irrévérencieuse, j’en avais déjà parlé ici et ici. Si j’ai le temps et le courage, je vais faire une semaine spéciale pt’tit Glénat. Allez, on commence aujourd’hui avec Le petit vent.

Gauthier a une envie pressante. Non non, pas le pipi, disons plutôt un petit prout. Mais comme Gauthier est discret, il va chercher un endroit tranquille pour laisser sortir son petit vent. Malheureusement pour lui, sous l’escalier, il y a déjà sa sœur. Dans la véranda, il y a son père et dans sa chambre, il y a sa mère. Du coup, Gauthier préfère aller dans le jardin pour enfin se soulager, mais il n’a pas pensé aux voisins…

Un album sur les prouts, ça marche à tous les coups. Celui-là ne fait pas exception à la règle. Très peu de texte, des illustrations naïves aux couleurs criardes et des situations répétitives qui déclenchent le sourire. La recette est simple mais efficace. D’aucuns objecteront que tout cela ne vole pas bien haut. C’est un fait. Il n’empêche, le plaisir de la lecture et la bonne humeur qui se dégage du texte valent que l’on flirte pendant quelques minutes avec une certaine forme de mauvais goût. Et puis ce petit vent est un tremplin idéal pour partir à la découverte des Prouts célèbres ! 

Le petit vent de Géraldine Collet et Arnaud Boutin (ill.). Glénat, 2009. 32 pages. 10 euros. A partir de 3 ans.

Collet et Boutin © Glénat 2009


dimanche 17 juin 2012

Les années n°11

Au sommaire de ce numéro 10, un portrait de Pierre Charras, une réflexion de Roger Wallet sur son statut d'auteur en résidence à Beaugency, une balade à Mexico, des chroniques plus ou moins bienveillantes, deux nouvelles de Sylvie Van Praët et, comme toujours, la chronique du professeur Hernandez. De mon coté, je ne vous parle d'une magnifique adpatation en BD du Joueur de flûte de Hamelin.

Pour consulter gratuitement ce numéro, rendez-vous sur  : http://lesannees.blogspot.fr/

Si vous souhaitez recevoir chaque nouveau numéro par mèl, il vous suffit de me laisser vos coordonnées dans la rubrique Contact.

Rendez-vous vers le 30 juin pour le n°12.



samedi 16 juin 2012

L'art du jeu

Harbach © JC Lattès 2012
Mike Schwartz est le capitaine de l’équipe de baseball de l’université de Westish. Lorsqu’il croise le chemin d’Henry Skrimshander au cours d’un match de seconde zone, il comprend que le gamin possède un potentiel exceptionnel. Devenu le mentor d’Henry, Schwartz va faire de son protégé une véritable star. Mais il suffira d’un mauvais lancer pour que les destins de plusieurs personnages basculent. Ceux d’Henry et de Mike, bien sûr, mais aussi celui d’Owen, le compagnon de chambre d’Henry, gracieux jeune homme vivant une histoire d’amour impossible avec Guert Affenlight, le président de l’université. Un président qui doit gérer, en plus de la découverte de son homosexualité, le retour de sa fille Pella dont il n’avait plus de nouvelles depuis des années…

Il aura fallu dix ans à Chad Harbach pour rédiger la version définitive de L’art du jeu. Ce premier roman à la narration incroyablement fluide imbrique avec maestria les existences des cinq personnages principaux. Chacun d’eux est parfaitement incarné et déclenche l’empathie du lecteur. Roman d’apprentissage empreint d’un grand classicisme formel, L’art du jeu met en scène des jeunes gens sur le point de basculer dans le monde des adultes. Basé en grande partie sur les relations que nouent les hommes entre eux (fidélité, amitié, jalousie, colère…), le texte joue sur la corde de l’héroïsme et de la virilité pour mieux affirmer l’impossibilité de parvenir à la perfection. Au final, il semble simplement que chacun aura grandi dans la beauté et la grandeur de l’échec, même si le capitaine Schwartz pense évidemment tout le contraire : « J’en ai marre de perdre. On est en Amérique. Les bons gagnent. Les nuls sortent. »

Encore un premier roman américain d’une exceptionnelle ampleur. Chad Harbach glisse avec aisance d’un personnage à l’autre. Sa prose est simple, précise, réaliste, et la construction du récit, de prime abord complexe, se révèle à la lecture simplement palpitante. Un vrai tour de force qui a dû demander une somme de travail considérable à l’auteur. Le résultat est tellement impressionnant que l’Art du jeu a été classé par le New York Times parmi les dix meilleurs livres de l’année 2011 et que la chaîne HBO en a acheté les droits afin d’en faire une série télévisée. Juste une précision néanmoins, même s’il n’est pas nécessaire de connaître toutes les subtilités du baseball pour apprécier ce texte, il faut bien avouer que certains passages décrivant les matchs risquent de paraître obscurs aux profanes.

Personnellement j’adore ce sport donc cela ne m’a posé aucun problème et j’ai été tout simplement emballé par ce roman qui pousse ses protagonistes à s’interroger sur le désir, la quête de perfection ou encore le doute, autant de questionnements propres à l’âme humaine : « Une âme, on ne nait pas avec. C’est quelque chose qu’il nous faut construire, au fil de nos efforts et de nos erreurs, de nos études et de nos amours. »

Assurément un gros coup de cœur pour moi !

L’art du jeu, de Chad Harbach, JC Lattès, 2012. 664 pages. 22,50 euros.

L'avis de Voyelle et consonne

Ce billet signe ma seconde participation au challenge Premier roman de Anne.




jeudi 14 juin 2012

Les disparus de Shangri-La

Zuckoff © Flammarion 2012
13 mai 1945. Alors qu’il survole un territoire jusqu’alors inexploré de la Nouvelle-Guinée Néerlandaise, un avion de l’armée américaine s’écrase en pleine jungle. Sur les 24 passagers, seuls trois survivront, dont deux grièvement blessés. Isolés, totalement perdus, à la merci des tribus autochtones qu’ils imaginent belliqueuses et s’adonnant avec plaisir à l’anthropophagie, les survivants tentent de s’organiser au mieux en attendant d’éventuels secours. Mais la zone est tellement inaccessible que l’armée va éprouver les pires difficultés pour localiser et récupérer ses soldats.

Alternant la description de l’épopée des survivants et les préparatifs du sauvetage sur la base militaire de Hollandia, Mitchell Zuckoff ne cède jamais à la tentation de la fiction. Chaque événement rapporté est strictement conforme à la réalité. Citant ses nombreuses sources et multipliant les notes en fin d’ouvrage, l’auteur s’est attaché à restituer les faits, rien que les faits. Au-delà de l’aspect « robinsonnade », le récit s’avère souvent passionnant, notamment lors des passages s’attardant sur le mode de vie et les croyances des tribus de la vallée. Rendez-vous compte, ces peuplades coupées du monde n’avaient jamais vu d’hommes blancs ! Dans l’épilogue, on comprend que depuis ce premier contact les choses ont bien changé et que cette région appartenant désormais à l’Indonésie est exploitée pour ses richesses naturelles sans aucune considération pour les populations indigènes continuant à y vivre.

Les disparus de Shangri-la relate une incroyable aventure humaine. Petit reproche, les trop nombreuses digressions autour de personnages « secondaires » alourdissent quelque peu le propos et me semblent loin d’être indispensables. Il n’empêche, l’enquête menée par Mitchell Zuckoff , solidement documentée, se révèle palpitante et l’ensemble se lit d’une traite.

Les disparus de Shangri-la, de Mitchell Zuckoff. Flammarion, 2012. 374 pages. 22 euros.

Un grand merci aux éditions Flammarion pour la découverte.

L'avis de Soukee


mercredi 13 juin 2012

Bêtes de somme 1 : Mal de chiens

Dorkin et Thompson
© Delcourt 2012
Sommer Hill. Une banlieue américaine cossue avec des pavillons proprets et de bons toutous dans chaque jardin. Problème, l’un d’eux est persuadé que sa niche est hantée. L’occasion pour ses camarades à poils de découvrir que Sommer Hill n’est pas forcément un havre de paix idyllique...

Animaux zombies, loups garous, chats sorciers, grenouille géante, rats maléfiques, etc. Quand une bande de chiens (et un chat) est confrontée à des phénomènes surnaturels, le résultat est plutôt sanglant.

Destinée au départ à être publiée dans un ouvrage collectif, l’histoire qui ouvre le recueil aurait dû constituer la seule et unique apparition de cette drôle de brigade d’intervention canine. Mais l’accueil des lecteurs fut tellement chaleureux que les auteurs décidèrent de poursuivre l’aventure. Après trois nouvelles histoires courtes constituant autant de galops d’essai, les Bêtes de somme prirent définitivement leur envol dans des récits plus denses et plus mouvementés. Les personnages sont tous très attachant, avec une mention spéciale pour Carl le carlin, un trouillard cynique et de mauvaise foi à l’humour dévastateur.

Graphiquement, les aquarelles de Jill Thompson sont tout simplement somptueuses. Les attitudes données à chaque animal sont criantes de vérité et les couleurs, particulièrement travaillées, participent grandement à rehausser l’ambiance angoissante qui traverse chaque chapitre.

Car que l’on ne s’y trompe pas, Bêtes de Somme n’est pas un album pour enfants. Les auteurs donnent dans l’horrifique parfois assez gore et nul doute que les âmes trop sensibles pourraient être fortement secouées par certains passages. A ne pas conseiller avant 12-13 ans, donc.

Aussi original qu’inclassable, cet excellent comics a été récompensé en 2010 par le Will Eisner Award de la meilleure publication pour ados.


Bêtes de somme T1 : Mal de chiens d’Evan Dorkin et Jill Thompson. Delcourt, 2012. 170 pages. 20 euros.

L'avis de Lunch ; l'avis de Manu


Dorkin et Thompson © Delcourt 2012

Dorkin et Thompson © Delcourt 2012





Will Eisner awards 2010
Meilleure série pour ados

samedi 9 juin 2012

Le poids du papillon

De Luca © Gallimard 2011
D’un coté, il y a le roi des chamois. De l’autre, un vieux braconnier, alpiniste et chasseur réputé. Ces deux là s’épient, se cherchent, se croisent depuis des années. Solitaires et taciturnes, ils savent qu’ils arrivent au bout de leurs chemins respectifs. L’animal voit sa force décroitre. Il ne pourra bientôt plus vaincre les jeunes mâles qui le défient régulièrement pour prendre la tête de la harde. A 60 ans, l’homme veut relever un dernier challenge et abattre le seul chamois qui lui ait toujours échappé. Deux forces exceptionnelles face à face. Un duel que chacun sait perdu d’avance…

L’écriture de De Luca est parfaitement épurée, à la fois réaliste et poétique, grattée jusqu’à l’os, aussi dense que recherchée. Une prose contemplative, riche d’odeurs et de sensations. Il y a dans ce court roman toute la rudesse et la beauté de la nature. Les deux personnages n’en font qu’un. Chez l’homme et le chamois, on retrouve les silences, les hésitations, les certitudes. Le même regard posé sur la fugacité de la vie.

Le poids du papillon est une fable, une parabole sur le coté immuable de l’existence. Quoi que l’on fasse, la fin sera la même pour tous. Le dénouement tragique et fusionnel qui unit à jamais les deux protagonistes n’a rien de désespérant, bien au contraire. Finalement, on peut voir dans ce texte une réécriture du combat entre Moby Dick et le capitaine Achab, le bruit et la fureur en moins.

Un texte magnifique et rare, loin de toutes les modes littéraires actuelles. De Luca est décidément un conteur au talent exceptionnel.

Le poids du papillon, de Erri De Luca. Gallimard, 2011. 80 pages. 9 ,65 euros.



Ce billet signe ma 1ère participation au challenge il viaggio de Nathalie.



vendredi 8 juin 2012

Toby mon ami

Panaccione © Delcourt 2012
Toby est un chien. Toby aime se balader dans la nature et marquer son territoire. Toby n’aime pas les chats ni le facteur. Toby a un maître, un artiste peintre sans le sou. Toby aime son maître. Surtout, il aime voir sa gamelle se remplir régulièrement. Il se fait d’ailleurs un point d’honneur à la vider avec le plus bel entrain. Toby est donc un chien qui a une vie de chien simple et heureuse, ni plus, ni moins.


C’est tout le problème avec cet album sans texte. Il n’est ni plus ni moins bon qu’un autre. Grégory Panaccione est un dessinateur italien ayant œuvré dans l’animation, notamment sur le film Corto Maltese. Il propose ici un univers graphique tout simple aux couleurs douces. Un joli travail à l’aquarelle et un trait dynamique qui retranscrit avec fidélité les différentes attitudes du chien. Petit bémol, le découpage en gaufrier de six cases par planches se révèlent au final assez monotone et sans grande originalité.

Le souci c’est que l’on referme ce petit volume en se disant qu’il risque d’être aussi vite lu qu’oublié. J’aime beaucoup la BD sans texte, c’est une forme d’expression extrêmement difficile car en s’affranchissant du texte l’auteur doit déployer des trésors d’ingéniosité pour donner à son histoire une lisibilité irréprochable. Ici, l’exercice est parfaitement réussi, c’est incontestable. Néanmoins, on ne peut s’empêcher de penser qu’il s’agit justement d’un exercice de style et rien de plus. Une sorte de travail d’étude réalisé par un excellent élève mais qui n’a pas forcément vocation à être publié. Dans la période de surproduction actuelle, Toby mon ami n’est qu’un album parmi tant d’autres. Je serais tenté de le qualifier de « dispensable » même si le travail de Grégory Panaccione mérite évidemment le plus grand respect.

Toby mon ami de Grégory Panaccione. Delcourt, 2012. 144 pages. 14,30 €.



Panaccione © Delcourt 2012

mercredi 6 juin 2012

Lorna : Heaven is here

Brüno © Treize étrange 2012
Une femme géante de 40 mètres de haut qui se balade à poil. Une pilule magique qui agrandit de manière substantielle la taille du pénis. Un virus boosté à l’ADN de tarentule qui transforme les humains en monstres incontrôlables. Un alien qui veut faire des terriens ses amis et une actrice porno au sommet de sa gloire. Il y a tout ça dans Lorna, le dernier album de Brüno. Franchement, pas besoin d’en dire plus au sujet de l’histoire, il me semble que les quelques arguments déclinés ci-dessus devrait suffire à convaincre les plus réticents. Qui a dit que ça ressemblait à du grand n’importe quoi ? Le dessinateur d’Atar Gull assume. Son but était de rendre au hommage à l’émission Cinéma de quartier de Jean-Pierre Dionnet et à tous ces films de série B réalisés avec des bouts de ficelle. Mélangeant allègrement SF, horreur, porno et road-movie, Brüno se lâche.

Entre improvisation et exercice de style, le dessinateur marche sur un fil et frôle à plusieurs reprises la correctionnelle. Mais sa maîtrise de la narration lui permet de récupérer le coup à chaque fois que le récit s’apprête à sombrer dans le ridicule le plus complet. Surtout, graphiquement, l’ensemble tient sacrément la route. La bichromie d’orange et de noir se révèle beaucoup moins agressive pour la rétine que l’on pourrait le croire. Et si le trait est plus relâché que dans ses albums précédents, sa patte assez unique garde un charme vintage qui, personnellement, me ravit.

Un hommage à la contre-culture US et au cinéma populaire à réserver aux fans du genre. Pas sûr que l’on tienne là un best-seller en puissance mais en même temps, on s’en tape un peu. De toute façon, avec une couverture pareille, je ne pouvais pas passer à coté de cet album !

Lorna : Heaven is here de Brüno. Treize étrange, 2012. 150 pages. 17,25 euros.


Brüno © Treize étrange 2012

mardi 5 juin 2012

Le premier mardi, c'est permis (7) : Madame de V. a des idées noires

Morin © Pocket 2001
1917. Quand le mari de Maroussia de V. meurt à la guerre, elle choisit de devenir infirmière dans un hôpital militaire. C’est là qu’elle rencontre Doudou, un « sergent nègre dont la verge, énorme et longue, avait l’air d’une asperge monstrueuse, une asperge noire des enfers. » Une véritable révélation pour Madame de V. Grâce au sergent, elle découvre le bonheur d’une jouissance que son défunt mari, de 20 ans son ainé, n’a jamais pu lui faire connaître. Ses premiers ébats avec Doudou sont mémorables. En même temps c’est pas tous les jours que l’on se sent « pénétrée jusqu’à l’estomac par un épieu frémissant. »

Malheureusement, quand Doudou doit repartir au front, Mme de V. se trouve fort dépourvue. Son désarroi grandit encore lorsqu’elle apprend sa mort au combat. Déçue par ses expériences avec quelques blancs-becs bien moins vigoureux que son amant d’ébène, Maroussia décide de partir pour l’Afrique. Au moins là-bas, pense-t-elle, je suis certaine de trouver chaussure à mon pied...

Ah le vieux fantasme de l’homme noir endurant et bien membré ! Franchement, je n’aurais jamais cru tomber un jour sur un roman consacré au sujet. Juste pour info, sachez que dans ma glorieuse jeunesse (hélas fort lointaine), j’ai joué au foot dans un club réputé de ma région. Il y avait pas mal de joueurs originaires d’Afrique noire et je dois concéder que leur réputation ne relève pas de la légende urbaine. Bien sûr, tous n’étaient pas logés à la même enseigne, mais j’ai vu dans les vestiaires des trucs tellement impressionnants qu’il y avait de quoi donner à un ado boutonneux des complexes jusqu’à la fin de ses jours. J’avais beau me dire que ce n’est pas la taille qui compte et me répéter à l’envi que les plus courtes sont les meilleures, il était évident que jamais je ne pourrais soutenir la comparaison. Du coup, j’aimais bien prendre ma douche en dernier, tout seul dans mon coin. On se console comme peu.

Mais bon, revenons à ce très court roman. Ça démarre sur les chapeaux de roue avec quelques scènes de copulation bien senties mais très vite le soufflé retombe. Madame de V. la nympho se transforme en cougar paternaliste et ses déambulations dans les rues de Dakar sont ennuyeuses au possible. Pour couronner le tout, j’ai trouvé la fin absolument grotesque. Bref, vous l’aurez compris, par encore ce mois-ci que je vais me réconcilier avec la littérature érotique. Mais qui sait, je vais peut-être finir, moi aussi, par trouver chaussure à mon pied.

Madame de V. a des idées noires de Loulou Morin. Pocket, 2001. 90 pages. 4,40 euros.



Allez donc voir chez Stéphie les autres lectures inavouables du mois de juin.


dimanche 3 juin 2012

Les affligés

Womersley © Albin Michel 2012
5 juillet 1909, dans le petit village de Flint, en Nouvelles-Galles du sud. Alors que la tempête fait rage, on découvre le corps de la petite Sarah, violée et poignardée. A coté d’elle se tient son grand frère Quinn, un couteau ensanglanté à la main. Le jeune homme s’enfuit et personne ne peut le rattraper. Dix ans plus tard, Quinn revient en Australie après avoir bataillé sur le front du nord de la France. Défiguré par une grenade, rendu presque sourd par le fracas des combats et ayant de gros problèmes pulmonaires après avoir inhalé du gaz moutarde, le soldat démobilisé retourne à Flint. Le village, comme le reste du pays, est mis en quarantaine suite à une épidémie de grippe espagnole faisant des milliers de morts.

Quinn n’a pas tué sa sœur et lui seul connaît le vrai coupable. Persuadé que s’il se montre devant son père, ce dernier ne voudra jamais le croire, il se terre dans les collines. C’est là qu’il rencontre Sadie, une orpheline vivant dans les bois. Cette drôle de gamine semble en savoir beaucoup sur son passé et cherche absolument à le convaincre de venger la mémoire de sa sœur...

Les affligés est un roman au titre particulièrement bien choisi. Les personnages et les lieux décrits semblent frappés par les pires tourments. La force d’évocation de l’auteur est proprement sidérante. Alternant les flashbacks et le présent, Chris Womersley donne à son récit des élans de tragédie. Entre les phases contemplatives et les scènes douloureuses, il créé une atmosphère suffocante et entraîne le lecteur vers une fin que chacun sait inéluctable. Parce qu’il est question de vie, de mort, de famille, de guerre, de maladie et de vengeance, ce récit touche à l’universel. Revenu chez lui pour rendre la justice, Quinn ne croit plus à une quelconque rédemption : « Dieu ne nous surveille pas. Je crois que nous sommes livrés à nous- mêmes. Rien n’a d’importance... [...] Il en a fini avec nous il y a longtemps. Il nous a abandonnés. » Vagabond défiguré arpentant les collines comme un fantôme, il va enfiler les habits de l’ange de la mort (titre de la dernière partie) pour tenter, enfin, d’apaiser son âme.

Le final, crépusculaire, vient clore en beauté un roman plein de souffle, à la fois sombre et, par bien des aspects, tout à fait lumineux.

Les affligés, de Chris Womersley, Albin Michel, 2012. 320 pages. 20 euros.

L'avis de Reading n the rain

L'avis d'Athalie

vendredi 1 juin 2012

Les années n°10 : spécial fête des mères

Au sommaire de ce numéro 10, un portrait de Michèle Desbordes , des chroniques présentant des romans consacrés aux mamans, une nouvelle de Dominique Cornet et un texte rédigé en atelier d'écriture par une lycéenne nimoise dont les mères sont les personnages principaux, un portrait de la résisatnte Raymonde Carbon et, comme toujours, la chronique du professeur Hernandez. De mon coté, je ne vous parle pas de ma manman mais d'une BD consacrée aux soldats fous de la Grande Guerre.

Petite nouveauté, tous les numéros sont consultables en ligne (et gratuitement bien sûr !) : http://lesannees.blogspot.fr/

Si vous souhaitez recevoir chaque nouveau numéro par mèl, il vous suffit de me laisser vos coordonnées dans la rubrique Contact.


Rendez-vous le 15 juin  pour le n°11.

jeudi 31 mai 2012

Puella Magi Madoka Magica 1

Hanokage © Doki Doki 2012
Madoka, élève de 4ème tout à fait banale, rencontre un jour une mystérieuse créature prénommée Kyubey. Cette dernière propose à la jeune fille de lui accorder un vœu. En contrepartie, Madoka deviendra une magicienne et devra lutter contre de terribles sorcières qui tourmentent le quotidien des humains. Ne sachant comment réagir, Madoka tarde à accepter le pacte. D’une part, elle ne sait pas quel vœux formuler et d’autre part, la mise en garde d’une de ses nouvelles camarades de classe l’interpelle au plus haut point : « Ne cherche surtout pas à devenir quelqu’un d’autre sinon tu perdras tout ce qui t’est cher. » Comprenant que la décision qu’elle s’apprête à prendre risque de bouleverser sa vie, elle hésite longuement…

Adapté d’une série animée en 12 épisodes ayant connu un énorme succès lors de sa diffusion à la télévision début 2011, ce manga en 3 volumes s’est payé le luxe de devancer des poids lourds tels que Bleatch ou Naruto lors de sa publication au Japon.

Pour moi, un manga estampillé « Magical Girl » est un titre dans lequel des jeunes filles aux costumes improbables se voient dotées de pouvoirs magiques et luttent avec malice contre les forces du mal. Sailor Moon, en gros (en même temps, c’est la seule série de ce type que je connaisse vraiment). Loin de l’univers acidulé et kawaï des classiques du genre, Puella Magi Madoka Magica apparaît au final bien plus sombre et torturé. Les enjeux sont pour les héroïnes plus complexes que le simple fait de devenir une « magical Girl ». Leur nouveau statut met réellement leur vie en danger et surtout le pacte passé avec le gentil Kyubei (qui ne l’est d’ailleurs peut-être pas tant que ça) implique des sacrifices et des contraintes dont elles sont loin d’imaginer la réelle portée. Quelque part, ce type de récit très balisé semble, grâce à cette série, passer à l’âge adulte. Fini les bluettes et la frivolité, place à la noirceur et à une lutte sans merci contre des sorcières qui répandent le désespoir et poussent les gens au suicide. Du lourd, quoi, même si le début de l’intrigue peut laisser croire que l'on reste dans de l’ultra classique.

Le dessin, sans être révolutionnaire, reste fin et précis. Autre point non négligeable, les différents protagonistes se reconnaissent au premier coup d’œil, ce qui est loin d’être toujours le cas avec des mangas de ce type.

Bref, pour moi qui ne suis pas, mais alors pas du tout, le public cible, ce premier volume a constitué une très agréable surprise. Sachant qu’il n’y aura en tout que trois tomes, je pense que je vais avec plaisir suivre les aventures de Madoka et de ses consœurs jusqu’à leur terme.


Puella Magi Madoka Magica T1 de Hanokage. Doki Doki, 2012. 144 pages. 7,50 euros.


Hanokage © Doki Doki 2012

mercredi 30 mai 2012

Koma : l'intégrale

Wazem et Peeters
© Humanoïdes associés 2010 
Addidas est la fille d’un ramoneur. Elle aide souvent son père lorsqu’il ne peut accéder aux conduits les plus étroits. Frappée par un mal étrange, il lui arrive régulièrement de perdre conscience sans raison pendant quelques minutes. Personne ne semble capable d’expliquer ces « absences » qui deviennent de plus en plus régulières. Un jour, alors qu’elle se trouve au fond d’une énorme cheminée, la petite fille tombe nez à nez avec une drôle de créature, sorte de géant aux bras simiesques. Attendrie par ce monstre implorant son aide, Addidas décide de rester à ses cotés. Cette rencontre va être le point de départ d’une aventure hors du commun…

Koma est une série inclassable dont il est très difficile de parler. Une fois de plus je me suis laissé influencer par les avis lu ici et là sur la toile et une fois de plus, j’ai bien fait. Wazem et Peeters ont créé un univers aussi improbable qu’envoutant. Le lecteur est pris par la main dès la première planche et il embarque pour une virée onirique finalement assez avare de dialogues. Le rythme est lent, l’histoire semble tenir en équilibre sur un fil prêt à rompre et à l’entraîner dans les méandres d’un récit devenant totalement incompréhensible. Pourtant, tout se tient, la cohérence finit par s’imposer. Il y a dans Koma une forme de poésie assez sombre, digne des plus beaux contes victoriens.

Les six tomes de la série ont été publiés à l’origine en couleur mais cette intégrale est entièrement en noir et blanc. J’avoue que je ne m’en plains pas, bien au contraire. Le trait de Peeters est pour moi définitivement fait pour le noir et blanc. Son encrage épais, tout en souplesse et en élégance, colle à merveille à l’ambiance dans laquelle évoluent les protagonistes. L’autre avantage de cette intégrale c’est qu’elle permet de constater à quel point l’histoire tient en un seul bloc. Il n’y a aucune séparation lorsque l’on passe d’un tome à l’autre et on a vraiment l’impression de lire un épais roman graphique qui ne peut en aucun cas être « découpé » en tranches.

Koma est un petit bijou dont la lecture (en intégrale et en noir et blanc !) devrait à l’évidence ravir une majorité de lecteurs, qu’ils soient petits ou grands.


Koma : l’inétgrale de Pierre Wazem et Frederik Peeters. Les Humanoïdes associés, 2010. 280 pages. 25 euros.

Les avis de Mo', Choco, Yvan, David, Champi
 

Wazem et Peeters © Humanoïdes associés 2010 
 

lundi 28 mai 2012

La famille Passiflore revient en BD !

Jouannigot © Dargaud 2012
La famille passiflore est une série de livres pour enfants créée par Geneviève Huriet et Loïc Jouannigot en 1987. Racontant l’histoire d’une fratrie de lapins entourés de leur père et de leur tante Zinia, cette série a connu un énorme succès et a été adapté en dessin animé pour la télévision en 2001. Alors que leur dernière aventure datait de 2006, les Passiflore reviennent aujourd’hui par l’intermédiaire de la bande dessinée. Loïc Jouannigot signe ici les textes et les dessins.


Afin de préparer en secret la fête d’anniversaire de Dentdelion (le petit dernier de la famille), tante Zinia l’expédie au jardin avec son grand frère Mistouflet. Mais pendant que les préparatifs battent leur plein à la maison, un drame se noue au milieu des légumes : la vilaine tortue Atalante vole le doudou de Dentdelion et refuse de lui rendre. Une véritable tragédie pour le petit lapinot...

Quel bonheur de retrouver la Famille Passiflore ! J’ai lu les albums à mes filles un nombre incalculable de fois et ma femme est totalement fan du dessin animé. Le fait de voir la série revenir sous forme de bande dessinée est une énorme satisfaction. L’univers doucereux est respecté à la lettre : gentillesse, altruisme, solidarité familiale, ambiance champêtre et bucolique, tout y est. Surtout, Loïc Jouannigot peut enfin laisser libre cours à son incroyable talent. Cet artisan du dessin, méticuleux en diable, ne transige pas sur la qualité. Les cases sont grandes et fourmillent de détails et les mimiques des animaux qu’il met en scène sont tout simplement impayables. Du grand art !

Digne héritier de Michel Plessix (Le vent dans les saules), Jouannigot propose aux plus jeunes lecteurs une entrée en douceur dans le monde de la bande dessinée. Un magnifique album à ranger dans la bibliothèque des enfants au coté de la non moins superbe série de Brigitte Luciani et Eve Tharlet, Monsieur Blaireau et Madame Renarde.

La famille Passiflore T1 : L’anniversaire de Dentdelion de Loïc Jouannigot. Dargaud, 2012. 32 pages. 9,99 euros. A partir de 5 ans.


Jouannigot © Dargaud 2012