lundi 10 mars 2025

Le clan des Brumes 2 : Les héritiers - Antonio Pérez Henares

Alors que le paléolithique touche à sa fin et qu'apparaît la révolution néolithique qui bouleverse le cours de l'humanité, deux jeunes hommes du clan des brumes, le fils de l'Aigrette et l'Archer, se lancent dans une aventure initiatique. Leur voyage les mène des montagnes du cœur de l’Espagne jusqu'à la mer. Ils découvrent de nouvelles tribus, leurs coutumes et leurs techniques.

Une fiction préhistorique hyper réaliste, didactique, vulgarisatrice et captivante. On est à un moment charnière, ce moment de bascule du paléolithique vers le néolithique où cro-magnon vit ses derniers moments de cohabitations avec des néanderthaliens sur le point de disparaître définitivement. Les hommes se sédentarisent, ils cultivent des céréales et élèvent du bétail, abandonnant peu à peu leur profil “unidimensionnel” de chasseur-cueilleur. Un changement religieux et sociétal s’engage également. La déesse mère est peu à peu abandonnée au profit de figures divines masculines. Le patriarcat fait ses premiers pas, la place égalitaire, voire supérieure, de la femme par rapport aux hommes commence à être remise en cause. Nos deux héros découvrent d’autres peuples, ils s’ouvrent au monde, sont confrontés à la violence, découvrent la sexualité et l’amour. Les éléments historico-scientifiques sont amenés avec fluidité au fil du récit, rien n’est forcé, ça reste un roman avant tout. Et un roman passionnant à tous points de vue.

Le clan des Brumes 2 : Les héritiers d’Antonio Pérez Henares (traduit de l’espagnol par Anne-Carole Grillot). Hervé Chopin éditions, 2024. 245 pages. 21,50 euros.

mercredi 5 mars 2025

Si vous lisez ça, je suis déjà morte... - Matt Kindt et Dan McDaid

Il y a quelques années, l’armée américaine a découvert un portail quantique permettant de se rendre sur une planète habitée par des entités extraterrestres. Une planète baptisée Terminus, sur laquelle un pied à terre a été construit pour les humains. Sur cette planète l’homme n’est pas vraiment le bienvenu, c’est pourquoi n’y sont envoyés en mission que la crème des marines. Robin est journaliste. Elle s’est jointe à l’équipage en route vers terminus pour rédiger le premier article consacré à cette incroyable planète. Problème, au bout d’à peine dix minutes sur place, les soldats censés la protéger ont tous été massacrés. Robin se retrouve seule, se demandant comment elle va pouvoir survivre… et mener à bien son reportage.

Un one shot de science-fiction qui se veut efficace mais qui balaie trop rapidement les enjeux qu’il soulève. L’équilibre entre action et réflexion est bancal, les scènes spectaculaires prenant le pas sur les questionnements philosophiques concernant la capacité de l’homme à salir tout ce qu’il touche. Car au final le propos se veut engagé, dénonçant ce travers humain qui consiste à aborder chaque nouveau territoire en conquérant plutôt qu’en invité curieux et bienveillant. L’idée est bonne mais sa mise en œuvre manque d’épaisseur. Dommage parce que le dessin est parfait pour de la SF, l’architecture de la planète Terminus s’apparentant parfois à un décor digne de Lovecraft. Une lecture agréable mais à laquelle il manque pas mal d’atouts pour passer dans la catégorie des incontournables.

Si vous lisez ça, je suis déjà morte... de Matt Kindt et Dan McDaid. Delcourt, 2025. 95 pages. 17,95 euros.




Les Bd de la semaine sont à retrouver chez Blandine






lundi 3 mars 2025

Déchéance d'un homme Suivi de Goodbye - Osamu Dazai

Le narrateur de « Déchéance d’un homme » raconte son parcours dans trois cahiers distincts. Le premier est consacré à son enfance. De constitution fragile, il grandit dans le Japon des années 30, au sein d’une famille aisée. Gamin solitaire, ne trouvant pas de sens à son existence, il constate que « rien ne peut faire [son] bonheur ». Abusé sexuellement par les domestiques de ses parents, il cache son mal-être en faisant le clown et en passant pour un enfant espiègle.

Le deuxième cahier correspond à son entrée au collège, puis au lycée et, parallèlement, dans une école d’art. C’est dans cette dernière qu’il rencontre Horiki, un camarade qui va lui faire découvrir « l’alcool, le tabac, les femmes vénales, le prêt sur gage et les idées de gauche ». Sa famille lui coupe les vivres, il connaît une existence misérable et finit par se mettre en couple avec une serveuse. Ils décident ensemble d’un double suicide en se jetant dans l’océan. Il survivra, pas elle.

Dans le dernier cahier notre homme devient dessinateur de mangas bas de gamme. Il sombre dans l’alcool, se marie sur un coup de tête, tombe dans la drogue et finit par être interné en hôpital psychiatrique.

Rarement un titre de roman aura été si pertinent. La déchéance d’un homme, c’est le parcours chaotique d’un inadapté. Un texte culte, par un auteur considéré comme l’enfant terrible de la littérature japonaise. Le récit est profondément autobiographique, que ce soit par rapport à la rupture familiale, le double suicide, la drogue, l’alcool et les femmes ou encore l’engagement politique auprès du parti communiste. Le portrait dressé est celui d’un homme mal dans sa peau, pas à sa place. Un décadent lucide maniant l’autodérision, un désespéré à l’ironie mordante. « Goodbye », texte inachevé, est plus léger, moins nihiliste que « Déchéance d’un homme ».  Le couple qui y est mis en en scène a quelque chose d’absurde, l’humour est grinçant, les dialogues savoureux. Dommage que Dazai se soit suicidé avant d’en avoir écrit la conclusion…

Déchéance d'un homme Suivi de Goodbye d’Osamu Dazai (traduit du japonais par Didier Chiche). Les Belles Lettres, 2024. 220 pages. 23,00 euros.