vendredi 13 juillet 2018

Ma chienne de vie - James Thurber

Vu le titre on pourrait penser à une autobiographie cradingue, poisseuse à souhait, de celles que j’apprécie particulièrement. Sauf que pas du tout. James Thurber, pilier du New Yorker, a publié ces textes accompagnés d’illustrations dans les pages du magazine américain au milieu des années 30. Et loin de donner dans la dramaturgie, il offre à voir avec légèreté et loufoquerie sa jeunesse au sein d’un foyer pour le moins atypique de l’Ohio. A l’évidence le trait est forcé pour faire rire le lecteur et l’autobiographie selon Thurber ne cherche pas l’exactitude la plus sincère. Chaque nouvelle du recueil se lit un peu comme un sketch et permet de découvrir la vie d’une famille américaine moyenne par le petit bout de la lorgnette.

L’effondrement du lit paternel, la voiture à bout de souffle, le grand-père se croyant encore en pleine guerre de sécession, le chien à l’agressivité incontrôlable,  le cousin persuadé qu’il va cesser de respirer en s’endormant chaque nuit, les employées de maison excentriques, les années à la fac ou son statut de soldat réformé, Thurber profite de chaque anecdote pour en rajouter des tonnes . Un humour exubérant pour l’époque, sans doute un peu daté aujourd’hui et qui n’a pas toujours bien vieilli mais cette réédition d’un grand classique de l’entre deux guerres permet de découvrir un écrivain trop peu connu dans nos contrées et un illustrateur dont le style aussi naïf que minimaliste a fortement inspiré des dessinateurs tels que Charles Schultz ou Sempé.

D’ailleurs les éditions Wombat profitent de la publication de cette « Chienne de vie » pour ressortir « La dernière fleur », un conte graphique écologiste et pacifique de 1939 traduit par Albert Camus en 1952.

Ma chienne de vie de James Thurber (traduit de l’anglais par Jeanne Guyon). Wombat, 2018. 155 pages. 15,00 euros.





La dernière fleur de James Thurber (traduit de l’anglais par Albert Camus). Wombat, 2018. 112 pages. 15,00 euros

vendredi 6 juillet 2018

Brasier noir - Greg Iles

Accusé d’avoir euthanasié une infirmière noire avec laquelle il travaillait dans les années 1960, le docteur Tom Cage refuse de répondre à la justice, se retranchant derrière le secret professionnel. Son fils, ancien procureur devenu maire de Natchez, Mississipi, va tenter par tous les moyens de l’innocenter. Pour y parvenir, il va devoir se plonger dans le passé d’une communauté meurtrie par les crimes du Ku klux klan. Se faisant, il va remuer des souvenirs que bien peu de monde en ville souhaite voir remonter à la surface.

Quelle déception, mais quelle déception !  Il avait pourtant tout pour me plaire ce monumental pavé. D’abord avec son sujet au cœur des préoccupations d’une Amérique dans l’incapacité de solder les épisodes nauséabonds d’un passé toujours très présent, ensuite avec son traitement que j’imaginais fouillé (vu le nombre de pages !) et enfin avec son ambiance brûlante magnifiée par des personnages et des décors caractéristiques du Sud profond. Tout s’annonçait donc bien et pourtant, patatras !

Premier écueil, j’avais beau savoir que j’avais dans les mains le volume inaugural d’une trilogie, je ne pensais pas pour autant que la conclusion me laisserait à ce point sur ma faim. C’est simple, j’ai eu l’impression d’avoir été abandonné au milieu du gué et pour ainsi dire pas plus avancé qu’au premier chapitre. Après plus de 1000 pages quand même !

Deuxième gros souci, la question raciale n’est absolument pas le nerf de la guerre pour les protagonistes. Du moins pour ceux menant les investigations. Le maire veut juste sauver son père, sa future femme cherche la gloire et un éventuel Pulitzer, le journaliste d’investigation œuvrant depuis des décennies pour la vérité le fait en souvenir de son enfance, l’agent du FBI veut venger la mort de l’un de ses confrères, etc. Tous sont blancs et aucun d’eux, à aucun moment, n’agit pour la communauté noire. Leurs actions pour connaître la vérité ne sont guidées que par une histoire ou des intérêts personnels, absolument pas par de quelconques convictions politiques. C’est du moins l’impression qu’ils donnent et c’est plutôt gênant.

Troisième problème, l’écriture (ou la traduction) est d’une grande platitude. C’est simple, il n’y a quasiment que des dialogues entrecoupés de descriptions au ton journalistique. C’est rythmé et bien mené mais littérairement, ça ne vole pas haut. Bien sûr le suspens ne cesse de croître, la tension monte et on se prend au jeu mais ce genre de page-turner d’une redoutable efficacité privilégie la forme au détriment du fond, ce qui est bien dommage. La scène finale, digne d’un film d’action, cherche à en mettre plein la vue mais je l’ai trouvée aussi inutile qu’excessive, pour ne pas dire ridicule.

Pas grand chose à sauver donc, de mon point de vue du moins. Qu’un sujet aussi sensible soit traité à la manière d’un thriller jouant davantage sur la corde du « divertissement » que sur l’aspect social et sociétale me pose un vrai problème. Je me passerai sans regret du second tome et pour ce qui est d’éclairer « avec maestria la question raciale qui continue de hanter les États-Unis » (dixit la 4ème de couv), je préfère retourner vers le fabuleux Ernest J. Gaines.

Brasier noir de Greg Iles (traduit de l’anglais par Aurélie Tronchet). Actes Sud, 2018. 1050 pages. 28,00 euros.








mardi 3 juillet 2018

Lise et les hirondelles - Sophie Adriansen

Paris, 16 juillet 1942. Lise, 13 ans, assiste impuissante à l’arrestation de sa famille. Se précipitant au commissariat, elle apostrophe le policier de garde et parvient, après avoir montré une détermination sans faille, à obtenir la libération de ses deux petits frères. De retour chez eux, les enfants sont recueillis par leurs voisins. Commence alors pour Lise une existence régit par la peur de tomber entre les mains de l’occupant et l’insupportable absence de ses parents, dont elle est sans nouvelles.

Après le magnifique Max et les poissons Sophie Adriansen revient une fois de plus sur le sort des enfants victimes de la rafle du Vel d’Hiv. Inspiré de l’histoire vraie d’Hélène Zajdman, Lise et les hirondelles dresse le portrait d’une enfant traversant les années de guerre entre espoir et douleur sans jamais s’appesantir sur son sort. Lise a conscience de la difficulté de la situation. Au cours de vacances près de la mer elle se rend compte que les français ne peuvent pas tous être dignes de confiance. De retour à Paris elle subit les nombreuses privations touchant une grande partie de la population. Au fil des mois Lise grandit, elle garde un œil maternel sur ses frères, découvre l’amour dans les bras de Roger, chemine bon an mal à an jusqu’à la libération, consciente que la guerre lui « a confisqué des années irrattrapables, perdues à jamais ».

Un texte simple, touchant et instructif. Une façon intelligente d’entretenir le devoir de mémoire en découvrant une histoire et un personnage féminin dont le courage et l’abnégation ne pourront que susciter chez les jeunes lecteurs une admiration sans borne. Forcément indispensable.

Lise et les hirondelles de Sophie Adriansen. Nathan, 2018. 235 pages. 14,95 euros. A partir de 12 ans.