mercredi 17 juin 2020

Stop Work - Jacky Schwartzmann et Morgan Navarro

Jacky Schwartzmann qui signe son premier scénario de BD, je ne pouvais pas rater ça ! En plus le sujet qu’il traite ici est dans la même veine que Mauvais coûts, qui reste pour moi son meilleur roman.

Nous voilà donc plongés dans le monde de l’entreprise avec Fabrice, quadra en charge des achats pour la société Rondelles SA. Un cadre à l’ancienne, sûr de lui et de son expérience, qui règle les contrats au resto un verre à la main et qui joue aux grandes gueules tout en cirant les pompes de la direction afin d’obtenir une promotion. Problème pour Fabrice, le monde du travail évolue plus vite que lui, les formes de management et de communication changent et surtout le volet « Hygiène et sécurité » prend de plus en plus d’importance, avec des normes et des pratiques qui frisent parfois le ridicule. Résultat, Fabrice a du mal à suivre. Et la nomination au poste qu’il convoitait d’une jeunette psychorigide plus froide que les glaçons qu’il glisse dans son whisky risque de l’achever et de le pousser sans ménagement vers la sortie…   

Un portrait grinçant des grandes entreprises qui, sous couvert de mieux protéger leurs salariés, les infantilisent et les contrôlent davantage chaque jour. Échauffement collectif avec un ostéopathe, formation pour descendre un escalier en toute sécurité, piles de l’horloge impossibles à changer si on n’a pas de certification pour monter sur un escabeau, obligation de se garer en marche arrière en arrivant le matin pour éviter un accident en sortant de sa place de parking le soir, les règles s’empilent et Fabrice s’emporte de ne voir personne s’indigner devant tant d’absurdités.

Un album qui donne dans la satire sociale en dénonçant la mainmise d’équipes managériales  déshumanisant de plus en plus la vie de l’entreprise. C’est plutôt bien vu et beaucoup de situations sentent le vécu. On rit (jaune) souvent mais ce n’est pas non plus férocement drôle comme peut l’être Schwratzmann dans ses romans. Disons que ça manque un poil de densité, d’épaisseur, de longueur. Graphiquement, si la bichromie de jaune et de bleu pâle n’a rien de chatoyant, le dessin va à l’essentiel et donne dans l’efficacité avant tout. Au final une lecture plaisante qui reste néanmoins loin du coup de cœur. J’en attendais sans doute trop.

Stop Work de Jacky Schwartzmann et Morgan Navarro. Dargaud, 2020. 140 pages. 18,00 euros.





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mardi 16 juin 2020

Perdus en mer - Cathy Ytak

Silas demande à son père de pouvoir l’accompagner en mer sur son bateau de pêche. Une requête surprenante puisque la seule et unique fois où il a tenté l’expérience, ça a tourné au fiasco. Mais le jeune garçon, dont les passions et les rêves d’avenir n’ont rien à voir avec la pêche, a envie de se rapprocher d’un papa qui l’ignore la plupart du temps. Ce dernier accepte à contrecœur, sans se douter que la présence de son fils sur le bateau pourrait s’avérer  bien plus indispensable qu’il n’aurait jamais pu l’imaginer.

Le titre en dit beaucoup mais ne révèle pas non plus le sel du récit, à savoir la montée progressive du suspens couplée à une relation père/fils aussi compliquée que touchante. L’enchaînement des événements fonctionne à merveille. On s’inquiète, on tremble, on craint le pire et on souffle de soulagement en voyant comment Silas se débrouille comme un chef malgré la complexité de la situation.

Hommage aux sauveteurs de la SNSM et joli « rabibochage » familial, ce petit texte se dévore d’une traite et conviendra autant aux amateurs d’action que d’histoires plus intimistes. Car au final la relation entre Silas et son père représente le sujet principal d’un roman nous montrant deux taiseux incapables de livrer leurs sentiments prendre un nouveau départ et se rapprocher par la force des choses. C’est positif, pudique, d’une grande sensibilité et fort bien écrit. Cathy Ytak égale à elle-même en somme.

Perdus en mer de Cathy Ytak. Syros, 2020. 48 pages. 3,50 euros. A partir de 8 ans.




Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette








dimanche 14 juin 2020

Trois bonnes nouvelles !


Rien de tel que des nouvelles pour se remettre en selle quand l’envie de lecture prend un coup de mou. Et pour être sûr de bien tomber, je me tourne en général vers les auteurs américains qui restent pour moi les grands maîtres du genre. Trois valeurs sûres pour trois bonnes pioches, je ne pouvais pas mieux tomber.


17 janvier 2003. « La maison était tranquille, il y faisait bon. Tout semblait normal, parfaitement ordinaire. » Et pourtant la soirée était en train de tourner au drame. Les posait des question simples à son père Tom et ce dernier peinait à y répondre. Le lendemain, Tom devait se rendre dans un centre d’examen. Comme toutes les personnes de plus de 60 ans, il allait subir une batterie de tests. S’il échouait, il se verrait prescrire une injection létale. C’était la loi, il fallait s’y plier. Les vieux inutiles ne pouvaient continuer à être entretenus par un gouvernement devant juguler les problèmes de surpopulation. Et pour Les, l’évidence sautait aux yeux. Son père n’était pas prêt à subir le test, son père allait forcément échouer…

Grand maître de la SF, Richard Matheson imagine dans cette nouvelle de 1954 une société réglant de façon inhumaine la question du vieillissement de la population. Visionnaire ? Espérons que non. Glaçant ? Assurément.

L’examen de Richard Matheson (traduit de l'anglais par Roger Durand). Ed. Le passager clandestin, 2019. 46 pages. 5,00 euros.



C’est l’histoire d’une vie en quarante petites pages. L’histoire d’une gourmande accro à la crème glacée et aux hommes. Toute petite elle léchait jusqu’à la dernière goutte les coupelles de glace avant de les laver. A l’adolescence, elle se faisait régulièrement surprendre avec un garçon sur le canapé familial. Seize grossesses, sept enfants et neuf fausses couches plus tard, elle est devenue « le genre de mère toujours en train de frotter les joues de ses enfants d’un doigt humide pour retirer les traces de ses propres baisers ». Avec l’âge, les enfants partis et le mari décédé, il ne lui restait plus que sa passion pour les glaces à entretenir. Avec toujours la même voracité.

Un délicieux portrait plein de volupté où la vie est croquée à pleine dent, parce que « le plaisir, c’est le plaisir. Quand on en est friand, on découvre qu’il y en a des quantités. »

Jamais assez d’Alice McDermott (traduit de l’anglais par Cécile Arnaud). La Table Ronde, 2020. 42 pages. 4,00 euros.



David et sa femme Ellie, universitaires à la retraite, découvrent avec stupéfaction un étron dans leur jacuzzi. Mais qui a bien pu se glisser dans le jardin pour commettre un tel forfait ? Peut-être un lien avec l’élection de Trump quelques jours plus tôt et leur soutien affiché à Hillary qui n’aurait pas plu aux voisins. Ou alors la vengeance d’un étudiant qui leur aurait gardé une rancœur tenace après une mauvaise note. Quoi qu’il en soit l’histoire se répète à plusieurs reprises et si David prend la chose avec légèreté, Ellie a beaucoup plus de mal à supporter l’affront. Au point de sombrer peu à peu dans la dépression et de vouloir déménager loin de l’Arizona afin de retrouver leur fille en Californie.

Du Russo pur jus, drôle, ironique, avec un discours tout en finesse sur la politique, l’amitié et la vie de couple. Égal à lui-même, autant dire excellent !

Et m*** ! de Richard Russo (traduit de l’anglais par Jean Esch). La Table Ronde, 2020. 57 pages. 7,00 euros.







mercredi 10 juin 2020

Hors-saison - James Sturm

Automne 2016. Hillary Clinton a remporté la primaire démocrate et pour Mark, la défaite de son poulain Bernie Sanders a signé le début d’un effondrement personnel. Tout juste séparé de son épouse Lisa, il doit conjuguer la garde alternée, les travaux domestiques et une précarité professionnelle ne lui permettant pas de se projeter vers un avenir radieux. Bientôt Trump va déjouer tous les sondages et couper l’Amérique en deux comme l’a été son propre couple quelques mois plus tôt. Pour Mark, le marasme politique dans lequel la nation va s’enfoncer ira de pair avec son naufrage intime…

Un récit en clair-obscur aux accents autobiographiques. Sans accabler son ex-compagne Mark constate que les bonnes intentions d’un divorce sans heurt ont vite fait de voler en éclat quand cette dernière monte ses enfants contre lui. Les reproches s’accumulent, les séances en couple chez la psy n’arrangent rien et le fossé se creuse entre deux êtres devenus des étrangers l’un pour l’autre. Rien de bien nouveau sous le soleil avec une telle thématique me direz-vous mais l’album tire son épingle du jeu grâce à son ambiance et son traitement graphique.

Tout en nuances de gris, les dessins au style anthropomorphe rendent compte avec une étonnante justesse de la tristesse de cet automne où Mark voit son monde s’écrouler. De Thanksgiving à Noël, les semaines passent et le blues s’installe, les problèmes s’accumulent et la morosité prend le pas sur tout le reste.  Une histoire pleine de langueur et de mélancolie, certes loin d’être originale et pas follement réjouissante mais au final j’ai été happé par la narration aussi simple que fluide et le portrait touchant d’un homme, d’un mari, d’un père et d’un citoyen perdant un à un les repères qui lui permettaient jusqu'alors d’affronter la dure réalité du quotidien avec un minimum de sérénité.

Hors-saison de James Sturm (traduit de l’anglais par Margot Negroni). Delcourt, 2020. 216 pages. 24,95 euros.




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mardi 9 juin 2020

Romance - Arnaud Cathrine

« Je ne me suis jamais senti aussi vivant mais je suis en train de mourir, c’est paradoxal, c’est l’amour »

Vince est un lycéen plein de sève. Ses hormones le travaillent, le sexe est une préoccupation constante et la difficulté à trouver un partenaire lui pèse de plus en plus. Il faut dire que son homosexualité est un frein aux rencontres éventuelles dans son établissement tant les élèves gays y sont une denrée rare. Il fantasme donc sur des inconnus croisés dans le métro et sur les acteurs sexy vus au cinéma avec sa mère. Fleur bleue s’amourachant au moindre frémissement, Vince veut que sa première fois ne soit pas un coup d’un soir mais découle d’une vraie histoire d’amour. Quitte à en avoir le cœur brisé si les choses ne tournaient pas comme il l’imagine…

Ah, le premier amour ! Le vrai, l’unique, l’ultime. Enfin presque. Car avec le premier amour vient inéluctablement le premier chagrin d’amour. Et pour Vince il va être douloureux. Parce que son partenaire ne partage pas vraiment les mêmes sentiments que lui. Il vit « un truc » avec lui, rien de plus. Résultat, le choc va être rude, le cœur brisé difficile à recoller, la blessure difficile à refermer.

Arnaud Cathrine décrit sans faux semblant les premiers émois amoureux et sexuels. Les montagnes russes émotionnelles, la montée vers le nirvana, la descente brutale avant le crash. Le fait de tomber amoureux avant de tomber malheureux, de passer de l’euphorie au dépit, d’un infini champ de possibles à une impasse dont on a l’impression de ne jamais pouvoir sortir. Dans une langue vivante, moderne, sans pincettes, avec un réalisme cru teinté d’une grande sensibilité. Une partition sans la moindre fausse note.

Romance d’Arnaud Cathrine. Ed. Robert Laffont, 2020. 300 pages. 16,50 euros. A partir de 16 ans.



Une pépite jeunesse partager comme il se doit avec Noukette








samedi 6 juin 2020

Incident au fond de la galaxie - Etgar Keret

La folie d’Etgar Keret, c’est ce qu’il me fallait en ce moment. Il faut dire que je ne pouvais qu’apprécier des nouvelles où pour chacun la catastrophe est en approche, où l’absurde le dispute au burlesque, où Kafka flirt avec Woody Allen, où le loufoque côtoie l’humour noir et où la fiction n’hésite pas à prendre des allures de science-fiction.

On ouvre le recueil avec un pauvre gars chargé de nettoyer les cages des animaux dans un cirque devenant malgré lui un homme-canon. On poursuit avec un père qui mange une glace avec son fiston après avoir été incapable d’empêcher un suicide. Dans certaines histoires les papas se transforment en lapins ou en poissons rouges attendant la nuit pour sortir de leur bocal et regarder la télé tranquille. Dans d’autres, un milliardaire achète les marques d’affection que les gens reçoivent pour leur anniversaire afin de se sentir aimé chaque jour, un gamin capricieux réclame avec virulence à son père la caisse du magasin de jouets où ils s’étaient rendus pour lui acheter un drone, un couple se déchire à propos d’un avortement en pleine visite guidée du mémorial de la Shoah à Jérusalem et un homme a pour table de salon une compression de la voiture adorée de son père, qu’il détestait tant.

Oniriques, fantastiques, réalistes, les nouvelles de Keret sont des bijoux d’efficacité, tour à tour hilarantes ou tragiques. Il y est beaucoup question de rêves brisés, d’incompréhension, de solitude, d’absence, de deuil. On s’y démène souvent pour donner du sens à sa propre existence ou pour illuminer celle d’un proche. En vain évidemment. Mais l’échec est toujours teinté d’aigre-doux, enrobé d’une couche d’excentricité et d’une drôlerie inattendue qui mêle le rire aux larmes. Une sorte de farce tragi-comique où la condition humaine n’a jamais semblé aussi désespérante tout en restant férocement drôle.

Après l’excellent « 7 années de bonheur », Etgar Keret m’a une fois de plus enchanté avec ce recueil inclassable. Assurément l’un des plus grands nouvellistes actuels.

Incident au fond de la galaxie d’Etgar Keret (traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech). Editions de l’Olivier, 2020. 230 pages. 21,50 euros.






mardi 26 mai 2020

Esperluette - Anne Vantal

« Tu es mon frère, mon ami, mon double, la moitié de moi. Tu es à jamais inscrit à mes côtés et relié à moi par une esperluette. »

C’est ainsi qu’elle conclut sa lettre. Une lettre qu’elle a mis des années à rédiger. Pour boucler la boucle, pour dire à Jordan ce qu’elle avait jusqu’alors enfoui profondément en elle. Revenir sur leur histoire commune remontant à la petite enfance. L’école, le collège, leur amitié inébranlable. Elle, l’élève brillante, lui, le cancre qu’elle n’a cessé d’aider pour qu’ils avancent dans leur scolarité au même rythme, jusqu’au lycée. C’est là que leurs chemins ont commencé à diverger. A 16 ans Jordan a arrêté les cours pour enchaîner les bêtises. D’abord petites, et puis de plus en plus « condamnables ». Quelques mauvaises rencontres plus tard, il a proposé un coup sans risque à sa meilleure amie. Elle a accepté du bout des lèvres, sans savoir qu’elle allait assister à un événement dont le souvenir la marquerait au fer rouge.

D’une seule traite elle couche sur le papier le passé et le présent. Pour tirer un trait, pour aller de l’avant. Les mots coulent avec fluidité, l’histoire est simple, tragique, tragiquement simple. Elle se lit comme le bilan d’une relation fusionnelle brutalement interrompue, une mise au clair limpide. Le retour sur les faits offre au lecteur un soupçon de suspens qui pousse à en savoir plus. D’emblée on comprend que cette lettre est une lettre à l’absent mais on voudrait comprendre le pourquoi de cette absence.

Pour la narratrice la lettre se veut cathartique, elle n’effacera jamais les souvenirs, bons ou mauvais, mais elle offre une libération intérieure, elle permet de repartir sur de nouvelles bases « pour commencer à vivre ». Une confession intime sans faux semblant, touchante et pudique.

Esperluette d’Anne Vantal. Actes sud junior, 2020. 90 pages. 9,80 euros. A partir de 15 ans.



Une pépite jeunesse évidemment partagée avec Noukette








samedi 23 mai 2020

Déceptions à répétition

Vous ne m’avez pas beaucoup vu par ici ces derniers temps. La faute à quelques contrariétés, notamment un accident domestique m’ayant privé de l’usage de mon bras gauche pendant plusieurs semaines et qui continue à grandement m’handicaper aujourd’hui.

Comme il m’est très pénible d’écrire un billet d’une seule main, j’ai limité ma modeste production aux pépites jeunesse partagées avec Noukette. Il faut dire aussi que j’ai eu la main particulièrement malheureuse concernant mes lectures ces deux derniers mois. J’ai voulu bien faire en piochant des titres prenant la poussière depuis trop longtemps sur mes étagères. Mauvaise idée...

Voici donc un rapide et succinct tour d’horizon de ces déceptions à répétition.


Là, je partais en terrain conquis. Un recueil de textes inédits d’Iceberg Slim, auteur de la fabuleuse Trilogie du ghetto (Pimp, Trick Baby et Mama Black Widow), ça ne pouvait que me plaire. Sauf que… pas vraiment. Du moins pas entièrement. Entre une magnifique lettre à son père, des conseils sur « les ficelles du maquereautage », ou des considérations plus politiques sur les droits civiques, l’ensemble est trop disparate. On passe de l’excellent au médiocre, de la gouaille rafraîchissante au discours mou du genou, du marquant à l’anecdotique.
Vraiment pas indispensable.


Du temps où j’étais mac d’Iceberg Slim (traduit de l’américain par Clélia Laventure). Belfond, 2015. 215 pages. 15,00 euros.


Dans les années 1870, Stevenson décide de descendre en canoë les rivières du nord de la France. Partant de Belgique, il chemine jusqu’à Compiègne avec la volonté de saisir « l’âme des campagnes françaises ». Problème, il se perd en digressions sans intérêt, consacre à peine trois mots aux villes et villages où il fait étape (à part une plus longue description de la cathédrale de Noyon et quelques éloges de Compiègne), pleurniche sur les mauvaises conditions de voyage (le gars était écossais pourtant, il devait si connaître en météo pourrie !), les hôtes pas toujours sympa, les berges de l’Oise trop hautes qui ne lui permettent pas de voir le paysage, bref des détails ennuyeux à mourir qui m’ont fait piquer du nez plus d’une fois.
Franchement, je n’ai jamais lu un récit de voyage aussi assommant. Mais vraiment… 

En canoë sur les rivières du nord de Robert Louis Stevenson (traduit de l'anglais par Léon Bocquet). Actes sud (Babel) , 2005. 200 pages. 7,70 euros.


Hap et Léonard. Le blanc hétéro et le noir homo. Des années que je lis leurs aventures et que je ne m’en lasse pas. Enfin jusqu’à ce Diable rouge. Ils sont toujours aussi drôles, sans filtre et sans limite mais niveau scénario Joe R. Lansdale peine à se renouveler. J’aime son coté trash, son écriture très orale et sa faconde. Cependant j’aime beaucoup moins avoir l’impression de lire toujours un peu le même roman, en tout cas le même déroulé du récit, avec le même rythme tranquille montant crescendo jusqu’à la conclusion finale à coup de flingues et d’hémoglobine. 

Une recette appréciée trop souvent servie, on finit par s’en lasser…

Diable rouge de Joe R. Lansdale. Denoël, 2013. 315 pages. 19,90 euros.


J’adore Barrico. Tout ce que j’ai lu de lui m’a emballé. M’avait emballé plutôt. Jusqu’à ce Emmaüs. Son livre le plus personnel annonce la 4ème de couverture. Le plus intime. Le plus chiant surtout (bon ça c’est pas marqué sur la 4ème de couv et c’est bien dommage, j’aurais gagné du temps sinon). Inspirée de sa jeunesse si j’ai bien compris, l’histoire ne décolle pas, les personnages sont sans relief  et le style m’a paru pompeux. Bref, la cata. 




Emmaüs d’Alessandro Baricco (traduit de l'italien par Lise Caillat). Gallimard, 2012. 135 pages. 15,90 euros.


Voila. Quatre tentatives et quatre ratés. Un sans faute en somme. Heureusement, je me suis refait la cerise depuis. Avec des nouvelles de grande qualité. Je vous en reparle bientôt. Ou pas.






mardi 19 mai 2020

Ailleurs meilleur - Sophie Adriansen

Alassane, 15 ans, décide de quitter la Côte d’Ivoire pour rejoindre l’Europe. Son rêve ultime est de venir en France, « pays des droits de l’homme, de Jacques Chirac et de la tour Eiffel ». Le périple qui l’attend va durer des mois, du Burkina Faso à Lorient en passant par le Niger, l’Algérie, le Maroc et l’Espagne. Après de nombreuses péripéties, son arrivée en Bretagne signe pour lui un nouveau départ et une nouvelle vie.

Sophie Adriansen dresse le portrait d’un ado en quête d’un monde meilleur. Un cas individuel évidemment inséré dans le mouvement général des migrants. Car même si Alassane ne les subit pas toujours directement, il découvre à travers le parcours de ses compagnons d’infortune les conditions de voyage exécrables, l’inhumanité des passeurs, la violence des forces de l’ordre, le racisme des pays d’accueil et les lourdeurs de l’administration.

La trajectoire du jeune garçon n’a rien d’un long fleuve tranquille mais elle se veut positive. Le récit s’attarde davantage sur son installation en France que sur le voyage qui l’a mené en Bretagne. Difficultés scolaires, volonté d’insertion grâce à une formation professionnelle, rencontres d’éducateurs et d’association apportant un soutien indispensable à ses démarches, tous les événements balisant son intégration s’enchaînent sans temps morts. Alassane avance en gardant à l’esprit l’extrême fragilité de sa situation, en ne perdant jamais de vue qu’il n’est pas toujours considéré comme le bienvenu et que pour l’administration il est un boulet dont certains aimeraient se débarrasser. Lucide mais optimiste, le jeune homme compte saisir chaque opportunité de se construire une nouvelle vie avec détermination et envie.

Un roman parfait pour aborder avec de jeunes lecteurs la question des migrants et surtout le sort des mineurs étrangers isolés. Un petit dossier en fin d’ouvrage vient d’ailleurs compléter les informations sur le sujet. Comme toujours dans les romans de Sophie Adriansen la prise de position assumée va de pair avec une grande dose d’humanité et de tendresse.  Une belle réussite !

Ailleurs meilleur de Sophie Adriansen. Nathan, 2019. 175 pages. 5,95 euros. A partir de 12-13 ans.




Une nouvelle pépite jeunesse partagée avec Noukette





mardi 12 mai 2020

Un peu plus près des étoiles - Rachel Corenblit

Rémi n’en peut plus de suivre son père médecin à travers la France. Adepte des remplacements plus ou moins longs en milieu hospitalier, ce dernier impose à son fils des changements constants de collège que le garçon supporte de plus en plus mal. Leur nouveau point de chute est un centre de repos pour grands brûlés, accidentés et amputés venant de subir une chirurgie réparatrice. Rémi y découvre une galerie de monstres qu’il s’efforce d’éviter le plus possible, jusqu’au jour où ses pas l’amènent près d’une cabane au cœur du parc de la clinique. A l’intérieur il découvre sept jeunes patients, sept affreuses gueules cassées dont il ne se doute pas qu’ils vont devenir « les plus belles personnes du monde, du siècle, de [sa] vie ».

Rachel Corenblit ne prend pas de gant pour évoquer les dégâts subis par la troupe d’enfants qu’elle met en scène. Pour autant ses descriptions ultra-précises ne donnent pas dans l’étalage gratuit de monstruosités. Derrière le portrait physique difficilement soutenable, elle insiste sur l’importance de ne pas se contenter des apparences. Rien n’est simple pour autant. Rémi va avoir du mal à intégrer le groupe, du mal à aller au-delà de sa répulsion pour mieux apprendre à les connaître mais aussi du mal à se faire accepter par des camarades ne supportant pas le regard d’autrui et préférant rester entre eux, en vase clos. 

Ça se veut positif mais ça reste réaliste. Les traumatismes ne vont pas disparaître d’un coup de bistouri magique, chacun (Rémi compris) porte de biens trop lourds bagages pour son âge. Les barques sont donc sacrément chargées mais la vie continue avec ses coups durs, ses coups de blues et ses rayons de soleil venant réchauffer les âmes meurtries. Les amitiés sont belles, l’altruisme devient une règle d’or et les liens ne cessent de se renforcer, sans faux-semblant.

Un roman au sujet difficile mais terriblement bien mené. Mon seul bémol : la fin est un peu trop vite expédiée à mon goût.

Un peu plus près des étoiles de Rachel Corenblit. Bayard, 2019. 250 pages. 14,90 euros. A partir de 13 ans.



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