mardi 12 juin 2018

Pëppo - Séverine Vidal

Pëppo. Drôle de prénom pour un drôle de garçon, lycéen vivant avec sa sœur Frida et les jumeaux de cette dernière dans une caravane, sur le camping en piteux état de leur oncle. Un gamin fan de surf et de skate qui passe ses journées à buller, se balade à vélo et chaparde quelques trucs à droite à gauche pour améliorer l’ordinaire. Jusqu’à ce matin où, au réveil, il tombe sur un mot griffonné par Frida lui annonçant qu’elle s’en va pour quelques temps. Pëppo n’en revient pas. Le voilà seul avec deux nourrissons, lui qui ne sait même pas comment chauffer un biberon ni mettre une couche dans le bon sens.

Décidément, Séverine Vidal ne cessera jamais de me surprendre. Après l’humour de La drôle d’évasion et l’émotion de Nos cœurs tordus (écrit à quatre mains avec Manu Causse), elle change à nouveau de registre avec ce très beau roman d’initiation qui aborde, le temps d’un été, le passage de l’insouciance à la maturité, du j’menfoutisme  aux responsabilités. Pëppo se retrouve chargé de famille malgré lui. Pëppo a peur, Pëppo est terrorisé. Mais Pëppo va faire face, parce qu’il n’a pas le choix. Sans moyens, sans expérience, à l’intuition. Et Pëppo va s’attacher à ces jumeaux auxquels il n’avait jamais porté la moindre attention, à tel point qu’il ne savait même pas les différencier.

Un texte lumineux, peuplé de rois de la débrouille, d’une vieille peau acariâtre, d’un guitariste argentin, de bébés dodus, d’une boutonneuse au sourire ravageur et d’une Bibiche permanentée. Un texte qui déborde d’amour et de bonne humeur malgré les coups durs, malgré le quotidien difficile et l’avenir incertain. C’est tendre et plein d’humanité, ça réchauffe les petits cœurs tout mous et ça fait un bien fou. Que demander de plus ? 

Pëppo de Séverine Vidal. Bayard, 2018. 176 pages. 13,90 euros. A partir de 12 ans.














vendredi 8 juin 2018

Le chemin s’arrêtera-là - Pascal Dessaint

« Les pauvres gens, par nature, sont innocents. »

C’est une bande de terre perdue entre la mer du Nord et les raffineries. Une bande de terre coincée entre le monde sauvage et le monde industriel. Sur cette bande de terre vivent Jérôme, Cyril, Louis, Mona et Wilfried. Des ouvriers mis au rebut, des ados en perdition, des travailleurs précaires. Dans ce monde de laissés-pour-compte on habite une cabane déglinguée envahie par le sable où une caravane rouillée posée entre les dunes. On s’isole dans un entre-soi  où la nature humaine révèle parfois ses aspects les plus sombres et les plus malsains. On vit à la marge entre gens de peu de mots, entre gens frustes et sans illusion. On ne se plaint pas, on prend les choses comme elles viennent, on s’occupe comme on peut, on fait avec les moyens du bord.

J’ai adoré ce roman choral parlant de misère sans misérabilisme, ce roman noir débordant d’humanité dans une langue d’une magnifique concision, ce roman qui offre une  parole aux invisibles, ce roman qui dit un monde à l’agonie, une région rongée par la paupérisation galopante de sa population. Ici on ne juge pas, on ne minimise rien, on ne caresse personne dans le sens du poil. Chacun raconte son histoire, donne son point de vue, exprime son ressenti. C’est cash, lyrique, âpre, cruel, ou violent, drôle aussi parfois. On s’enlise, on glisse, on dérape, on se relève et on retombe. On n’est pas des saints, on traîne de douloureuses casseroles et on avance comme on peut, pas à pas jusqu’au bord du gouffre… 

Un grand merci à Emma qui a eu la gentillesse de m’offrir ce roman dédicacé par l’auteur. Ce fut l’occasion  pour moi de découvrir un écrivain dont la veine sociale ne pouvait que m’enchanter.

Le chemin s’arrêtera-là de Pascal Dessaint. Rivages, 2016. 255 pages. 8,00 euros.





mercredi 6 juin 2018

Strip-tease - Emma Subiaco

Camille prend une décision radicale après avoir découvert son mec au lit avec une autre : fini la gentille demoiselle qui marche dans les clous et ne fait pas de vague, fini ce boulot d’architecte qui ne lui apporte aucune satisfaction. Pour être libre et s’accomplir, la jeune femme décide de se lancer dans le strip-tease. A peine engagée dans un club par une patronne peu regardante sur son manque d’expérience, Camille devient Elise et après une formation express (à peine cinq minutes), la voilà lancée sur scène pour un tour de piste dont le but en de donner à envie au client de la solliciter pour un tête à tête privé où l’on peut juste regarder sans jamais toucher, où la danse est facturée 300 euros et la bouteille de champ 500.

Autour de Camille la concurrence est rude. De Pétra aux lèvres pulpeuses et aux énormes seins refaits à Linda qui porte la vulgarité à des sommets inégalés en passant par Amanda l’accro à la cocaïne et Judith la cougar, la néophyte découvre que ses consœurs ont des profils et des motivations bien différentes. Elle découvre aussi un univers très particulier et des clients qui font plus pitié qu’envie. Mais surtout, et c’est bien le plus important, elle se rend compte que ce job tant décrié lui permet de s’affirmer en tant que femme.

Basée sur l’expérience personnelle d’Emma Subiaco, qui a été barmaid puis strip-teaseuse dans un club, ce roman graphique jette un regard à la fois réaliste et décalé sur ce milieu d’habitude si fermé.

Un regard critique d’abord : sans salaire fixe, uniquement payées en fonction du nombre de danses « privées », en CDD de deux mois renouvelables ou pas au bon vouloir de la direction, les filles ont des conditions d’exercice particulièrement précaires. Les clients quant à eux sont soit des machos venus s’en payer une bonne tranche, soit des pauvres gars paumés à la sexualité inexistante ou des jeunes trouducs en virée entre potes. Aucun n’attire la moindre sympathie et au final tous sont bien plus fragiles que les femmes qu’ils viennent mater la bave aux lèvres. 

Un regard plein d’empathie ensuite sur les strip-teaseuses, bien plus soudées que les apparences ne pourraient le laisser penser. Des filles lucides, qui savent ce qu’elles veulent et comment s’y prendre pour l’obtenir, qui portent un jugement sans pitié sur les hommes et ne leur font pas le moindre cadeau.

Au final une chouette BD, qui brille plus par son propos que par son graphisme parfois tremblotant. Une BD engagée, féministe, qui a le mérite de ne jamais tomber dans le sordide, préférant empiler les anecdotes et les petits soucis plutôt que les grands drames. Emma Subiaco explique d’ailleurs sa démarche en fin d’ouvrage dans une postface instructive qui  éclaire son projet avec beaucoup de conviction. Une vraie réussite que ce premier album culotté en diable (même si la couverture pourrait laisser croire le contraire !).

Strip-tease d’Emma Subiaco. Editions du Long Bec, 2018. 144 pages. 20,00 euros.





mardi 5 juin 2018

Amir et Marlène : Coup de foudre en 6e - Ingrid Thobois

Quand, la veille de la rentrée en sixième, sa mère lui annonce qu’elle l’a inscrite dans un autre collège que celui où elle devait aller, Marlène n’en revient pas ! Tout ça parce que ce collège a de biens meilleurs résultats au brevet et que le principal est une copine de sa maman. Pour Marlène, le coup est rude à encaisser. Non seulement elle va devoir prendre le car tous les jours mais en plus elle va se retrouver dans un environnement inconnu sans un seul ami.

Les premiers pas dans son nouvel établissement tournent au drame. Elle se perd dans les couloirs et arrive en retard en cours sous les moqueries de ses camarades qui la traitent de baleine. Ces débuts cauchemardesques vont heureusement être oubliés quelques jours plus tard lorsqu’Amir, « le plus beau garçon de la terre », franchit le seuil de la classe. Marlène tombe raide dingue amoureuse de ce réfugié Syrien au français balbutiant, mais elle n’est pas la seule à vouloir s’attirer ses faveurs…

Une vraie bouffée de fraîcheur cette Marlène ! Malgré un physique « difficile », une meilleure amie traitresse, une mère surprotectrice et un grand frère pénible, elle affronte l’adversité bille en tête avec humour et franchise. L’histoire d’Amir est par ailleurs touchante et sa rencontre avec la jeune fille est mise en scène avec beaucoup de finesse. Entre éveil à l’amour et réflexion sur l’intégration des migrants, voila encore un roman jeunesse positif qui prend la vie du bon côté sans mettre sous le tapis les difficultés et les coups durs. Franchement, ça fait du bien !

Amir et Marlène : Coup de foudre en 6e d’Ingrid Thobois (ill. Gaël Henry). Sarbacane, 2018. 240 pages. 10,90 euros.






vendredi 1 juin 2018

Braconniers - Tom Franklin

Dans les nouvelles de Tom Franklin, la chaleur humide des marécages d’Alabama vous colle à la peau. Dans les nouvelles de Tom Franklin on se réveille au petit matin dans son pick-up avec une gueule de bois carabinée en se demandant ce qu’on a fait la veille. Dans les nouvelles de Tom Franklin le mâle blanc, pauvre et sans emploi, vient de se faire plaquer par sa nana ou va l’être incessamment sous peu. Dans les nouvelles de Tom Franklin on se retrouve dans un bar sombre et enfumé une bière à la main pendant que la voix pleine de gravillons de Calvin Russell sort d’un jukebox. Dans les nouvelles de Tom Franklin on pointe à l’usine, on pêche à la dynamite, on tue les chatons à la carabine, on offre un flingue à l’ami suicidaire ou on part vers l’Alaska.

Forcément, dans les nouvelles de Tom Franklin, je suis comme un poisson dans l’eau. Parce qu’il raconte des histoires d’hommes tristes à pleurer, cruelles, mélancoliques. Parce que son style est direct, sans chichi. Parce qu’on ne donne pas dans l’intime ou la psychologie de comptoir, parce qu’on ne cherche pas le salut ou la rédemption, parce qu’on accepte sa condition sans se faire d’illusion.

Cet ouvrage, réédité pour la première fois vingt ans après sa première publication, vous cueille comme un uppercut à la pointe du menton. La qualité va crescendo et les premières nouvelles, plutôt courtes, sont suivies par des histoires plus longues, plus denses, plus intenses, jusqu’au feu d’artifice final offert par le texte éponyme (près de 100 pages à lui tout seul) qui clôt les débats en apothéose. Aucune fausse note donc pour ce recueil impressionnant de maîtrise et de puissance.

Braconniers de Tom Franklin (traduit de l’américain par François Lasquin). Albin Michel, 2018. 275 pages. 20,00 euros.

mardi 29 mai 2018

Mon cœur en confettis - Fanny Vandermeersch

Les parents qui divorcent et c’est l’effet domino pour Axelle dont tout l’univers s’écroule : un déménagement, un beau-père, une meilleure amie qu’elle ne verra plus et un changement d’établissement en pleine année scolaire, ça fait beaucoup. Surtout que les premiers pas dans son nouveau lycée sont cauchemardesques. En plus de se ridiculiser le jour de la rentrée, un pion et son prof de français la prennent en grippe, sans parler d’Alicia, une peste qui pourrait faire de sa vie un enfer. Et puis il y a Yacine. Elle est tombée nez et à nez avec lui un matin en sortant de sa chambre. L’apparition de ce beau brun ténébreux, aussi surprenante qu’inexplicable, l’a perturbée au plus haut point…

Purée, une comédie romantique pour ados, au secours ! Voilà ce que j’ai pensé en ouvrant ce petit roman à la couverture girly. Mais j’ai vite compris que la guimauve ne serait pas de mise. D’ailleurs, au-delà de l’histoire d’amour entre Axelle et Yacine, le texte s’interroge davantage sur la difficulté à trouver sa place pour une jeune fille qui perd ses repères de manière brusque. Difficulté de prendre ses marques, d’appréhender un nouvel environnement, de créer des liens avec des camarades qui au mieux vous ignorent, au pire vous cherche des crosses.

J’ai aimé la fragilité d’Axelle, ses doutes, son manque de confiance en elle et en même temps sa capacité à aller de l’avant, à encaisser des coups sans jamais s’écrouler totalement. Loin du drame, ce cœur en confettis délivre un message positif et montre qu’un nouveau départ compliqué n’est pas forcément synonyme de naufrage à venir. Il suffit parfois d’avoir la tête sur les épaules et d’être bien entouré. Un roman qui trouvera à coup sûr son public tant son héroïne, simple et attachante, apparaît comme la parfaite copine que bien des ados aimeraient avoir.

Mon cœur en confettis de Fanny Vandermeersch. Ravet-Ancenau, 2018. 124 pages. 13,00 euros. A partir de 13 ans.









mardi 22 mai 2018

Mamie gâteau s’emmêle le tricot - Gwladys Constant

A quatre ans et demi Côme connaît bien plus de mots que les enfants de son âge. Il en connaît beaucoup mais il les mélange tous, ce qui inquiète sa maman. Une maman célibataire qui jongle entre sa vie de famille et ses deux emplois. Heureusement mamie Madeleine est là pour s’occuper du petit. Mais depuis peu il se passe de drôles de choses chez mamie Madeleine. Ses affaires disparaissent, comme si quelqu’un s’amusait à les cacher. Un fantôme pense mamie, un fantôme qui lui joue de vilains tours…

Côme confond les mots et mamie a des oublis. Troubles du langage et troubles de la mémoire, chacun se retrouve en difficulté, à l’école ou dans la vie quotidienne. Mais plutôt que de mettre un mouchoir sur le problème, mieux vaut l’affronter. A chacun son spécialiste, à chacun son analyse. Et main dans la main, la grand-mère et son petit fils vont aller de l’avant.

Ne sortez pas les violons ni les mouchoirs, ce petit roman plein de fraîcheur déborde de peps et de vitalité. Loin de l’abattement, on se soutient, on discute, on cherche de l’aide. Les dialogues sont joliment troussés, la maman courageuse affrontant les soucis de sa mère et de son fils est touchante et le petit bonhomme au vocabulaire « décalé » craquant.

Un texte enjoué, positif, où rien ne se règle d’un coup de baguette magique mais où on ne baisse pas les bras devant les obstacles à surmonter. Après La révolte des personnages et Philibert Merlin apprenti enchanteur, Gwladys Constant montre une fois de plus sa capacité à donner le sourire en alliant bonne humeur et simplicité.

Mamie gâteau s’emmêle le tricot de Gwladys Constant et Gilles Freluche (ill.). Oskar, 2018. 64 pages. 8,95 euros. A partir de 7 ans.   










mardi 15 mai 2018

Les étrangers - Éric Pessan et Olivier de Solminihac

« Ils ont traversé la guerre, […] la famine, le désert, la mer. Ils ont plusieurs fois échappé à la mort et ils sont morts plusieurs fois. Ils ne savent plus avec certitude comment ils s’appellent, ils n’ont plus de papiers d’identité valables. Et beaucoup de gens ne croient pas en leur existence, soit qu’ils ne les voient pas, soit qu’ils ne veulent pas les voir, et en même temps ils en ont peur, et en même temps ils croient qu’ils sont partout. Mais quand tu commences à voir les fantômes et à les connaître, tu t’attaches à eux. Tu essaies de les faire repasser du côté de la vie. Tu te bats pour ça. » 

Toute l’histoire de ce court roman tient dans cet extrait je trouve. Basile, un lycéen à la vie bien rangée, croise un soir quatre jeunes migrants dans une gare désaffectée. Ils sont tendus, effrayés, ils fuient quelque chose. Quand l’un d’eux se fait enlever sous ses yeux par un passeur, Basile va tout faire pour lui venir en aide, pour lui éviter de disparaître définitivement.

Les migrants, les passeurs, la mafia, le regard porté sur une population « d’invisibles », la découverte d’une réalité face à laquelle on préfère se voiler la face, il y a tout ça dans ce texte rédigé à quatre mains. Bien sûr il y a aussi cette nuit où les événements s’enchaînent, où le suspens va crescendo.
Mais la mécanique du récit ne repose pas sur l’action à tout prix. Le but est de pousser à la réflexion sur le sort des réfugiés, d’ouvrir les yeux sur sa propre condition pour relativiser ses propres tracas, pour ne pas s’émouvoir de petits drames personnels alors que d’autres en vivent de bien plus grands.

Éric Pessan et Olivier de Solminihac signent un titre malheureusement d’actualité aussi instructif que percutant. A travers le regard de Basile ils montrent la terrible situation d’une population abandonnée, l’inhumanité de ceux prêts à toutes les abominations pour profiter de leur désespoir et le soutien sans limite apporté par les personnes qui prennent le risque de leur venir en aide. 

Les étrangers d’Éric Pessan et Olivier de Solminihac. L’école des loisirs, 2018. 125 pages. 13,00 euros.










mercredi 9 mai 2018

The Promised Neverland - Kaiu Shirai et Posuka Demizu

Ça commence comme dans un rêve. Un orphelinat où les enfants s’épanouissent sous le regard attendri de celle qu’ils appellent « maman », où les lits sont douillets et les repas délicieux, où chacun a l’impression d’appartenir à la même famille et où l’on coule des jours heureux. 38 enfants avec un numéro tatoué dans le cou qui ont pour seules consignes de ne pas s’approcher du portail et de ne pas franchir la barrière dans la forêt.
Tout s’écroule le jour où les trois pensionnaires les plus âgés découvrent que leur orphelinat chéri est en fait un élevage d’enfants destinés à finir dans l’assiette d’horribles monstres. Après le traumatisme de cette révélation, ils décident d’échafauder un plan pour s’évader en emmenant avec eux leurs camarades. Mais ils vont vite comprendre qu’il n’est pas simple de tromper la vigilance de leur « maman ».

LE manga de l’année. En tout cas le plus médiatisé, avec un premier tome tiré à 100 000 exemplaires et un démarrage en fanfare depuis son lancement le 25 avril. C’est ma grande fifille qui a absolument voulu le lire, je ne pouvais pas faire autrement que l’accompagner.

Verdict ? C’est drôlement bien fichu et drôlement addictif. Ce seinen (manga pour jeunes adultes) mêle habilement le fantastique, l’horreur et le suspens. Son pitch de prime abord simpliste ne cesse de gagner en profondeur, tournant dans les dernières pages à une partie d’échec à huis clos où chaque camp avance ses pions en cachant son jeu. 

Ça fonctionne parce qu’on se demande évidemment comment les choses vont tourner mais aussi parce que l’on se rend compte en même temps que les enfants qu’ils ne savent rien du monde extérieur, que les monstres auxquels ils sont destinés règnent peut-être sur toute la planète et qu’ils n’auront par conséquent aucune échappatoire.

Après il faut voir ce que cela va donner sur la durée mais le début est plus que prometteur !

The Promised Neverland de Kaiu Shirai et Posuka Demizu. Kazé, 2018. 192 pages. 6,80 euros.






mardi 8 mai 2018

Deux secondes en moins - Marie Colot et Nancy Guilbert

C’est l’histoire d’une gueule cassée et d’un cœur brisé.

Igor ne pardonnera jamais à son père son manque d’attention au volant. Les yeux rivés sur son smartphone, il n’a pu éviter l’accident. Depuis son fils est défiguré et ne veut plus de contact avec l’extérieur. Rhéa, elle, ne comprendra jamais pourquoi son petit ami s’est jeté sous un train. Quelques semaines après la tragédie elle survit, submergée par un chagrin sans fin. Je vous le concède, le pitch résumé de la sorte est terriblement plombant. Pourtant ce roman jeunesse écrit à quatre mains est un bijou à découvrir d’urgence.   

Une gueule cassée et un cœur brisé, des ados comme deux planètes en perdition dont les trajectoires vont se croiser, se rapprocher et s’aligner. Non sans encombre, cela va de soi. Et c’est toute la réussite de Marie Colot et de Nancy Guilbert d’avoir pris le temps de disséquer le cheminement de l’un et de l’autre. Bien sûr on s’attarde sur les moments difficiles, ceux où l’on sombre, ceux où la colère et la rancœur prennent le pas sur le reste. Mais peu à peu une porte s’entrouvre timidement et laisse passer un fin rayon de lumière. Et peu à peu Igor et Rhéa vont refaire surface, aidés par la musique de Schubert et par un prof de piano vraiment pas comme les autres.

Les ados s’expriment à tour de rôle, confiant leurs douleurs, leur mal-être, leurs doutes et leurs maigres espoirs. On suit également les balbutiements de leurs rapprochements, les jours avec et les jours sans, l’amitié fragile dont les racines finiront par s’ancrer profondément. Un texte porteur d’espoir, qui montre que l’on peut se relever et reprendre goût à la vie après un drame, aussi terrible soit-il. Un texte superbe, d’une infinie justesse, d’un réalisme qui serre les tripes. Assurément un de mes plus grands coups de cœur de ces derniers mois en littérature jeunesse.

Deux secondes en moins de Marie Colot et Nancy Guilbert. Magnard, 2018. 304 pages. 14,90 euros. A partir de 15 ans.