lundi 12 mars 2018

L'affaire Furtif - Sylvain Prudhomme

Le Furtif, un petit voilier, a quitté Lisbonne en pleine nuit avec les vedettes de la douane aux trousses. A son bord un équipage hétéroclite composé d'un sculpteur new-yorkais et de sa maîtresse, d'une photographe italienne, d'un architecte russe, d'une musicienne irlandaise et d'un scientifique japonais. Ayant semé ses poursuivants après avoir passionné les médias du monde entier, le Furtif fait route vers un archipel aussi isolé que glacial de l'Atlantique sud. Arrivé à destination, chacun des passagers s'installe sur un caillou de quelques centaines de mètres carrés et plus personne ne s'intéresse à leur cas. Les années passent, jusqu'au jour où une chaîne de télévision décide d'envoyer sur place une expédition pour tenter de retrouver leur trace…

Nouveau départ ? Nouvelle vie ? Happening ? Choses à cacher ? Les grands pontes se penchent sur le cas des naufragés volontaires pour tenter de comprendre. On organise des colloques, on invite des spécialistes à la télé, on écrit des livres à leur sujet. Chacun glose, interprète, avance des arguments définitifs, aussitôt contredits. Lorsque l'on trouve des indices sur les lieux de leur installation, la machine à interpréter repart de plus belle, toujours autant à coté de la plaque. C'est drôle, cynique, grinçant. Assez affligeant aussi, et caractéristique d'une époque où tout le monde donne son avis sur tout avec la certitude d'avoir raison.

On retrouve dans ce court texte publié pour la première fois il y a huit ans la plume fluide d'un Sylvain Prudhomme s'amusant comme un petit fou à mettre en scène la quête d'isolement et de solitude d'un groupe d'originaux voulant plus que tout qu'on leur fiche la paix. Il joue sur différents registres d'écriture, mêlant notes, journal intime ou haïkus, alternant les moments faussement intello et l'humour noir un poil féroce. Il s'amuse quoi, en toute liberté de ton et de forme, sans pour autant perdre ses lecteurs en route.

« L'affaire Furtif » n'a certes pas encore la profondeur de « Légende » mais pas la peine d'être devin pour déceler dans ce roman de jeunesse la promesse d'un futur grand.

mercredi 7 mars 2018

Royal City T1 : Famille décomposée - Jeff Lemire

Suite à un malaise, Peter Pike sombre dans le coma. Sa femme et ses enfants se retrouvent à son chevet, sans pour autant montrer l’image d’une famille parfaitement unie. La mère est rongée par une ancienne histoire d’adultère, la fille Tara négocie une future opération immobilière juteuse, Patrick, l’aîné, débarque en ville avec un roman à écrire et la pression de son éditeur tandis que le cadet Richard passe son temps à boire et en oublie d’aller pointer à l’usine. Mal dans leur peau et dans leur vie, les Pike sont de plus hantés par la présence de Tommy, le quatrième enfant de la famille, disparu tragiquement en 1993.

« Famille décomposée ». Le titre du premier volume de la nouvelle série de Jeff Lemire résume parfaitement la situation. La figure du père mourant ne suffit pas à resserrer les liens. Tara et Patrick sont sur le point de divorcer, Richard doit de l’argent à des gros bras qui menacent de lui faire la peau, la mère cherche son salut dans la religion… Chacun joue égoïstement sa propre partition, chacun suit son propre chemin sans se soucier des problèmes des autres. On comprend que l’éclatement familial remonte à la mort de Tommy, que personne ne s’est remis de cette disparition et que le défunt est le ciment fragile reliant les Pike entre eux.

Quel bonheur de retrouver Jeff Lemire dans une veine intimiste. Une petite ville industrielle sans âme, des petites gens, l’équilibre instable d’une cellule familiale que les liens du sang ne parviennent pas à souder, ce premier tome expose les grandes lignes d’un scénario saupoudrant d’un touche de fantastique les moindres événements du quotidien.

L’auteur de Winter Road prend son temps. Il multiplie les scènes contemplatives et la noirceur de son dessin est adoucie par des tons pastel qui renforcent la frontière entre rêve et réalité. J’aime ce rythme lent, la complexité des relations humaines qui se tissent, les non-dits, les silences. La famille, l’amour, la mort, la solitude, Lemire parle de la vie et dresse les portraits de personnages sans éclat, passionnément ordinaires. Vivement la suite !

Royal City T1 : Famille décomposée de Jeff Lemire. Urban Comics, 2018. 168 pages. 10,00 euros.

Quand on me dit Lemire je pense tout de suite à Mo, il était donc impensable de ne pas partager cette lecture avec elle !




Toutes les BD de la semaine sont à retrouver chez Moka




lundi 5 mars 2018

Entrez dans la danse - Jean Teulé

Strasbourg, le 12 juillet 1518. En pleine rue une femme entre en transe et se met à danser. Incapable de s’arrêter, elle attire bientôt à elle, comme un aimant, des pauvres hères qui la rejoignent pour se lancer dans une farandole sans fin. Les jours passent et le nombre de danseurs ne cesse de croître. Pieds en sang, épuisés, affamés, ils semblent possédés, incapables de stopper leur folle sarabande. Dépassés par un phénomène aussi incontrôlable qu’inexplicable le maire, l’armée, les médecins et l’église tentent de trouver une solution. En vain.

J’aime bien quand Teulé donne dans le roman historique. J’aime y retrouver sa patte inimitable, ses anachronismes lexicaux (ici on a droit aux danseurs qui font un flash mob où à la rave party), sa verve, son langage fleuri, sa sexualité débridée. Sauf que dans le cas des danseurs strasbourgeois, même si ces éléments sont présents, je me suis fait ch… Grave.

 Il ne se passe rien dans ce roman. Plus précisément, il se passe toujours la même chose. On danse, on crève de chaud, on crève de faim, on nage dans les immondices et la vermine. Les forces publiques tentent de régler le problème. Le maire bedonnant est un bon à rien, l’évêque un enfoiré de première. Et on danse encore et on crève toujours plus de chaud, on crève toujours plus de faim, et tout est toujours plus dégueulasse, et les mêmes hommes tiennent toujours les mêmes discours. Les gueux dansent la farandole et le lecteur tourne en rond.

Désolé monsieur Teulé, je vous adore pourtant mais là, pas moyen. Votre roman m’a paru sans intérêt. Un roman vain. Sans souffle, sans relief, sans épaisseur, sans passion. Un vrai raté dont je ne vous tiens évidemment pas rigueur. A charge de revanche cela dit.

Entrez dans la danse de Jean Teulé. Julliard, 2018. 160 pages. 18,50 euros.









vendredi 2 mars 2018

Les lectures de Charlotte (50) : Petites histoires de nuits - Kitty Crowther

Parce qu’il a dit trois fois s’il te plaît, l’ourson a droit à trois histoires avant de s’endormir.

Dans la première, la gardienne de la nuit frappe sur son gong pour prévenir les animaux de la forêt qu’il est l’heure d’aller se coucher. Ce faisant, elle doit convaincre quelques récalcitrants. Dans la seconde, on rencontre la petite Zhora qui, partant à la recherche de la plus belle mûre, finit par se perdre. Heureusement, recueillie par le gentil Jacko Mollo, Zohra va passer la nuit au chaud avant de pouvoir rentrer chez elle. Dans la dernière, Bo, incapable de trouver la moindre « miette de sommeil », se dirige vers la mer. En chemin il rencontre son amie loutre qui lui conseille d’aller nager pour régler son problème.

Un petit livre carré à la couverture douce comme une peau de pêche. Un petit livre aux teintes roses, illuminé par les crayons de couleur d’une Kitty Crowther au meilleur de sa forme. Un petit livre qui donne envie de se glisser sous la couette et d’ouvrir grand ses oreilles pour plonger dans un univers merveilleux. Un petit livre parfait pour faire de jolis rêves avec en écho la tendre voix de maman ourse. Un petit livre poétique et moelleux qui ravira parents et enfants et fera de l’histoire du soir un moment rare de plaisir à partager.



Petites histoires de nuits de Kitty Crowther. Pastel, 2017. 76 pages. 11,00 euros. A partir de 3 ans.



mercredi 28 février 2018

La tristesse de l’éléphant - Nicolas Antona et Nina Jacqmin

C’est une belle, une magnifique histoire d’amour. Une histoire d’amour pure et cristalline. Parce que parfois l’évidence existe. Une rencontre, quelques approches maladroites, une séparation douloureuse, des lettres pour maintenir le contact et entretenir la flamme, des retrouvailles qui renforcent les certitudes. Le temps passe et les sentiments demeurent, malgré les différences, malgré l’éloignement, malgré les nombreux obstacles. Le temps passe et il faut faire des choix, prendre des risques. Le temps passe et chaque jour prouve que le bonheur existe. Le temps passe et arrive le moment de se dire adieu.

C’est l’histoire de Louis et Clara. Lui, orphelin obèse et binoclard, elle, fille du cirque dresseuse d’éléphant. C’est l’histoire de leur vie à deux, de leurs chemins qui se croisent, s’éloignent, fusionnent et se séparent. C’est l’histoire de leur amour infini et de leur indéfectible volonté de passer leur existence côte à côte.

Je ne vais pas m’étendre davantage parce que tout a déjà été dit sur ce superbe album aux illustrations pleines de charme. C’est beau, c’est touchant et c’est émouvant mais (ben oui, il y a un mais, désolé) j’ai moyennement aimé la fin. Pas la fin en elle-même, plutôt sa mise en scène. J’ai eu l’impression qu’on cherchait par tous les moyens à me tirer quelques larmes, qu’on dramatisait à outrance une conclusion qui n’avait pas besoin de ça pour être cohérente et raccord avec le reste. Un bémol minuscule cela dit, qui ne doit pas occulter les innombrables qualités de cette BD qui fera fondre à coup sûr les cœurs les plus endurcis.

La tristesse de l’éléphant de Nicolas Antona et Nina Jacqmin. Les enfants rouges, 2016. 76 pages. 17,00 euros.


Toutes les BD de la semaine sont à retrouver chez Mo !


















mardi 27 février 2018

Nos cœurs tordus - Séverine Vidal et Manu Causse

Une histoire d’amour contrariée, une histoire d’adolescence et de handicap.

Vlad débarque le jour de la rentrée avec sa canne, son bagout, sa passion pour le cinéma et sa dégaine de « tordu », pieds en dedans et genoux qui se cognent. Handicapé de naissance, Vlad se déplace comme il peut, à son rythme. Et il sait en intégrant l’ULIS (classe spécialisée pour la scolarisation des élèves en situation de handicap) du collège Georges Brassens que l’année va être longue. A ses côtés il y a Dylan le trisomique et Mathilde dans son fauteuil roulant. Il y a aussi Saïd le redoublant à qui on ne cesse de promettre le conseil de discipline et l’exclusion définitive. Il y a surtout Lou, la belle, la magnifique Lou dont Vlad tombe éperdument amoureux. Problème, Lou est déjà avec l’athlétique Morgan, un garçon tout ce qu’il il y a de plus normal avec lequel un  « pantin désarticulé » ne peut pas rivaliser…

Un texte à quatre mains pétri de sensibilité, sans angélisme ni pathos. Pas simple de mettre en scène une telle bande d’ados, d’imaginer des interactions crédibles entre chacun d’eux et de ne pas tomber dans l’apitoiement. Pas simple de donner à ses enfants souffrant d’un handicap une voix qui sonne juste, d’exprimer leur envie de lutter contre l’injustice de leur condition. C’est poignant, plein d’émotion contenue et ça respire la joie de vivre.

Finalement, je crois que la tirade du grand-père de Vlad dans les dernières pages résume au mieux l’esprit de ce roman jeunesse lumineux : « Ton handicap n’est rien comparé à ce que tu vaux. Rien. Alors je le traite comme il le mérite. Je fais comme s’il n’était pas là. »

Une lecture qui fait du bien et qui donne le sourire. A recommander plus que chaudement !   

Nos cœurs tordus de Séverine Vidal et Manu Causse. Bayard, 2017. 220 pages. 13,90 euros. A partir de 12-13 ans.


Une superbe pépite jeunesse, évidemment partagée avec Noukette !















lundi 26 février 2018

LaRose - Louise Erdrich

Un accident de chasse. Landreaux Iron, un indien Ojibwe, tue un enfant en tirant sur un cerf. L’enfant s’appelle Dusty, il est le fils de son voisin et ami Peter Ravich. Dusty avait cinq ans. En échange de cette mort donnée accidentellement et suivant une tradition ancestrale, Landreaux offre son plus jeune fils, LaRose, aux parents en deuil. Une décision évidemment lourde de conséquences qui va bouleverser la vie des deux familles.

Franchement j’ai eu peur. Peur d’un torrent de larmes et de mouchoirs à essorer, peur d’une tragédie jouant uniquement sur la corde sensible et les ressorts convenus d'un mélo juste bon à faire pleurer dans les chaumières. Heureusement Louise Erdrich ne cède pas à tant de facilité. Les émotions qu’elle déplie au fil des pages sont complexes, parfois contradictoires, toujours d’une rare finesse. LaRose est le guérisseur, celui qui apaise les âmes en peine, celui qui apporte un rayon de lumière dans les ténèbres. Tout le monde est ravagé par la situation. Les mères en premier lieu, celle de Dusty bien sûr, mais aussi sa propre mère, incapable de supporter la perte de cet enfant qu’on lui arrache. Les pères ne sont pas plus à la fête. Landreaux ne comprend pas comment l’accident a pu avoir lieu et Peter est écartelé entre la pitié pour son ami et une légitime envie de vengeance face au tueur de son fils.

Louise Erdrich ne se contente pas de tisser les relations entre les deux familles. Elle nous renvoie des siècles en arrière, s’attarde sur d’autres indiens que les quatre parents et sur le prêtre se battant chaque jour pour remettre les brebis égarées de la réserve sur le chemin du Seigneur. Elle montre le quotidien souvent sordide d’une population ravagée par l’alcool et les opiacés, elle montre une jeunesse qui se serre les coudes et continue malgré tout à rêver d’avenir. Surtout, elle ne cesse de mettre chacun à l’épreuve, de pousser ses personnages dans leur dernier retranchement, de chercher en chacun d’eux l’étincelle, parfois infime, qui pourra rallumer la flamme de l’espoir.

Un roman splendide, où la colère se drape de dignité, où la douleur ne cesse d’être pudique, où tradition et modernité, passé et présent, se conjuguent à la perfection. Une partition sans la moindre fausse note. 
     
LaRose de Louise Erdrich (traduit de l’américain par Isabelle Reinharez). Albin Michel, 2018. 512 pages. 24,00 euros.












vendredi 23 février 2018

Les lectures de Charlotte (49) : Mon royal petit frère - Sally-Lloyd-Jones et David Roberts

Il était une fois un papa, une maman et « la plus jolie, la plus intelligente, la plus gentille princesse qui fut. […] Ils vivaient dans un royaume où il y avait toujours du temps pour raconter des histoires, de la place sur les genoux de maman et jamais le moindre pleur. Jusqu’à cet abominable, cet horrible jour qui vit naître un tyran… ». Bébé arrive et la princesse disparaît aux yeux de ses parents. Elle raconte elle-même ses déboires et son témoignage contre le petit frère est à charge : sans nuance ni demi-mesure.

Un album plein d’humour pour aborder la question sensible de l’arrivée d’un nouveau venu dans la famille et du sort réservé aux aînés. La princesse se sent invisible, elle ne comprend pas pourquoi un petit être si bruyant et si puant peut susciter autant d’admiration. Résignée, elle ne peut que constater « le règne démoniaque » de « son altesse sacrément gourmande ! Sa grandeur potelée, le roi Bébé ! ». C’est drôle parce que la fillette force le trait et fait preuve d’une sacrée mauvaise foi. En même temps on comprend son agacement et sa frustration de ne plus être au centre de l’attention : « Admirez l’élu, sa majesté pourrie gâtée, le roi bébé ! ».

Le point de vue de la grande sœur est joliment illustré par le trait aiguisé de David Roberts, dont certaines double-pages fourmillant de détails sont un régal pour les yeux. Évidemment la fin est positive et atténue la rancœur, évidemment la grande sœur, sous ses airs bravaches, garde une place au chaud dans son cœur pour le royal petit frère. Mais le ton décalé de l’album permet d’aborder la question avec une percutante originalité.

Mon royal petit frère : une terrible histoire vraie de Sally-Lloyd-Jones et David Roberts. Little Urban, 2018. 40 pages. 13,50 euros. A partir de 3 ans.

mardi 20 février 2018

Philibert Merlin apprenti enchanteur - Gwladys Constant

Philibert est perdu, Philibert ne comprend pas. Dernier né d’une grande lignée d’enchanteurs, ses six frères et sœurs sont tous des génies dans leur domaine et lui a beau chercher, il ne se trouve aucun don particulier. La musique, la littérature, la danse, les mathématiques, la peinture et l’informatique étant déjà pris, il a tenté sa chance du côté de l’herboristerie mais le résultat s’est révélé catastrophique puisqu’il a intoxiqué un de ses camarades de classe. Se jeter du toit de l’école pour voir s’il savait voler était une fausse bonne idée, comme le fait de passer son bras à travers le grillage de la cage aux fauves du zoo pour essayer de les apprivoiser. Rien n’y fait, Philibert ne sort pas du lot. Enfant sans talent, Philibert s’interroge sur ses capacités et ses parents, même s’ils le soutiennent de tout cœur, s’inquiètent sérieusement d’avoir un fils « normal » à la maison.

Difficile de trouver sa place, de supporter la pression exercée par un environnement ou chacun tend vers l’excellence. Philibert se rend compte qu’il est différent. Sa quête de don à tout prix le perturbe fortement. Il se cherche, chacun souhaite lui venir en aide mais au final c’est pire que mieux. Et si, tout simplement, on lui fichait la paix à Philibert ? Et s’il n’était qu’un petit garçon pas forcément doué mais pas mal dans sa peau pour autant ?

J’aime l’écriture de Gwladys Constant découverte avec  « La révolte des personnages ». Elle parsème d’humour et de légèreté un sujet sensible et pousse à la réflexion sans avoir l’air d’y toucher. La grande question de l’orientation perturbe bien des familles, même les plus illustres. Plutôt que de pousser nos enfants trop vite dans une hypothétique vocation, n’est-il pas préférable de leur laisser le temps de trouver leur voie par eux-mêmes sans chercher à forcer les choses ? La réponse semble évidente mais Philibert et les siens vont mettre du temps à la trouver. Et comme (presque) toujours, le hasard est un allié de choix pour faire basculer un destin...

Philibert Merlin apprenti enchanteur de Gwladys Constant. Le Rouergue, 2018. 110 pages. 9,50 euros. A partir de 9 ans.


Une jolie pépite jeunesse partagée une fois encore avec Noukette.













lundi 19 février 2018

Il n’en revint que trois - Gudbergur Bergsson

C’est l’histoire d’une ferme isolée dans un coin paumé d’Islande, à deux pas d’un champ de lave et de l’océan. Une ferme où vivent un vieux couple, leur fils, leurs deux petites filles et un gamin dont la mère malade ne peut s’occuper. C’est l’histoire de cette ferme avant, pendant et après la seconde guerre mondiale. L’histoire de cette ferme à l’aune de l’évolution d’un pays foncièrement rural que le conflit va amener sur le chemin de la modernité.
D’abord grâce à l’occupation anglaise, ensuite et surtout grâce à l’arrivée des américains et de l’installation de leurs bases militaires un peu partout sur l’île.

Le roman raconte donc les décennies du 20ème siècle qui ont transformé la société islandaise à travers une galerie de personnages avec lesquels on partage quelques années. Et c’est tout le problème selon moi. On navigue de l’un à l’autre, on commence à s’attacher à certains qui disparaissent soudainement et dont on n’entend plus jamais parler. L’ensemble manque de liant, d’épaisseur, tout va trop vite et les différents événements sonnent comme des anecdotes, rien de plus. En gros je me suis ennuyé. Et pas qu'un peu. Quand je mets plus de quinze jours à lire 200 pages ce n’est pas bon signe. Du tout.

J’ai bien compris la volonté de l’auteur de montrer la difficulté pour un pays enfermé dans ses traditions ancestrales de se confronter de façon brutale à la modernité, j’ai bien compris que le personnage central de son texte est la ferme isolée et non ceux qui gravitent autour d’elle mais il m’a manqué beaucoup trop de choses pour que ce roman passionne. Dommage parce qu’une fois encore la traduction d’Eric Boury est impeccable.

Il n’en revint que trois de Gudbergur Bergsson (traduit de l'islandais par Eric Boury). Métailié, 2018. 210 pages. 18,00 euros.