Camille prend une décision radicale après avoir découvert son mec au lit avec une autre : fini la gentille demoiselle qui marche dans les clous et ne fait pas de vague, fini ce boulot d’architecte qui ne lui apporte aucune satisfaction. Pour être libre et s’accomplir, la jeune femme décide de se lancer dans le strip-tease. A peine engagée dans un club par une patronne peu regardante sur son manque d’expérience, Camille devient Elise et après une formation express (à peine cinq minutes), la voilà lancée sur scène pour un tour de piste dont le but en de donner à envie au client de la solliciter pour un tête à tête privé où l’on peut juste regarder sans jamais toucher, où la danse est facturée 300 euros et la bouteille de champ 500.
Autour de Camille la concurrence est rude. De Pétra aux lèvres pulpeuses et aux énormes seins refaits à Linda qui porte la vulgarité à des sommets inégalés en passant par Amanda l’accro à la cocaïne et Judith la cougar, la néophyte découvre que ses consœurs ont des profils et des motivations bien différentes. Elle découvre aussi un univers très particulier et des clients qui font plus pitié qu’envie. Mais surtout, et c’est bien le plus important, elle se rend compte que ce job tant décrié lui permet de s’affirmer en tant que femme.
Basée sur l’expérience personnelle d’Emma Subiaco, qui a été barmaid puis strip-teaseuse dans un club, ce roman graphique jette un regard à la fois réaliste et décalé sur ce milieu d’habitude si fermé.
Un regard critique d’abord : sans salaire fixe, uniquement payées en fonction du nombre de danses « privées », en CDD de deux mois renouvelables ou pas au bon vouloir de la direction, les filles ont des conditions d’exercice particulièrement précaires. Les clients quant à eux sont soit des machos venus s’en payer une bonne tranche, soit des pauvres gars paumés à la sexualité inexistante ou des jeunes trouducs en virée entre potes. Aucun n’attire la moindre sympathie et au final tous sont bien plus fragiles que les femmes qu’ils viennent mater la bave aux lèvres.
Un regard plein d’empathie ensuite sur les strip-teaseuses, bien plus soudées que les apparences ne pourraient le laisser penser. Des filles lucides, qui savent ce qu’elles veulent et comment s’y prendre pour l’obtenir, qui portent un jugement sans pitié sur les hommes et ne leur font pas le moindre cadeau.
Au final une chouette BD, qui brille plus par son propos que par son graphisme parfois tremblotant. Une BD engagée, féministe, qui a le mérite de ne jamais tomber dans le sordide, préférant empiler les anecdotes et les petits soucis plutôt que les grands drames. Emma Subiaco explique d’ailleurs sa démarche en fin d’ouvrage dans une postface instructive qui éclaire son projet avec beaucoup de conviction. Une vraie réussite que ce premier album culotté en diable (même si la couverture pourrait laisser croire le contraire !).
Strip-tease d’Emma Subiaco. Editions du Long Bec, 2018.
144 pages. 20,00 euros.