mercredi 30 avril 2025

La terre verte - Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle

Et si Richard III n’était pas mort à la fin de la pièce éponyme de Shakespeare. Et s’il était devenu un mercenaire en route pour le Groënland avec un évêque de Rome dépêché sur place pour remettre les rares habitants de cette terre désolée sur le chemin de Dieu. Et si, tel un impitoyable Machiavel, il avait œuvré pour devenir l’indiscutable monarque de ce royaume gelé. Et si, du coup, Donald Trump n’était qu’un vil copieur avec son ambition d’annexer le Groënland. Avec tous ces si (sauf le dernier, puisque l’album a été réalisé avant l’élection américaine), Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle ont imaginé une histoire d’une profondeur et d’une puissance exceptionnelles, tout simplement la meilleure BD que j’ai lue depuis très longtemps.

Déjà, coup de chapeau à l’éditeur pour avoir décidé de publier cette saga de près de 300 pages en un seul volume alors qu’il aurait sans doute été plus lucratif de la sortir sous forme de trilogie. Dans ce one shot aussi dense qu’intense, les auteurs prennent le temps de développer leur intrigue. L’arrivée dans l’ancienne colonie viking, les conditions de vie extrêmes, les rouages politiques de cette micro communauté, la peur des autochtones, la prise de pouvoir par l’évêque puis son éviction par Richard et enfin l’avènement puis la chute de ce dernier, tout est décrit avec une maîtrise narrative qui force l’admiration.

Les complots se multiplient, la violence surgit, le bruit et la fureur précèdent la pure folie, c’est limpide, imparable, finalement très moderne et universel tant les manigances politiques, la vanité et la soif de pouvoir restent d’une dramatique actualité. Et puis quelle incarnation hallucinée d’un Richard III diabolique et manipulateur. Les dialogues sont ciselés, le dessin puissant, le rythme parfait, non, vraiment, cette tragédie en cinq actes, tellement ambitieuse, est proche de la perfection !

La terre verte d’Alain Ayroles et Hervé Tanquerelle. Delcourt, 2025. 260 pages. 34,95 euros.









lundi 28 avril 2025

Sadie à Brides-les-Bains - Susie Morgenstern

Sadie, fondatrice et directrice d’une prestigieuse école maternelle privée du New-Jersey, décide de prendre des vacances estivales en France. Son but ? Perdre du poids. Direction Brides-les-Bains, une station thermale de Savoie où elle va suivre une cure d’amaigrissement drastique. Pour elle qui n’a jamais quitté les États-Unis, la découverte des français est un choc culturel. Et son quotidien, au milieu de personnes en surpoids comme elle, pas de tout repos. Heureusement quelques rencontres vont illuminer son séjour, notamment celles d’un mystérieux français et d’un compatriote au physique peu avenant mais d’une irrésistible gentillesse.

Je me réjouissais de découvrir le premier roman « adulte » de Susie Morgenstern, une autrice jeunesse que j’apprécie beaucoup, j’ai vite déchanté. Pourtant je partais sans aucun préjugé face à cette couverture criarde et la promesse d’une comédie romantique très éloignée de mes lectures habituelles. Mais au final je ne n’ai rien trouvé à sauver de ce texte sans relief. Le personnage principal n’attire aucune empathie et Susie Morgenstern enfile les clichés comme des perles. Le français est charmeur et volage, la française aussi jalouse que traitre, l’américain obèse et bienveillant. Tout est cousu de fil blanc, il n’y a aucune surprise, on sait d’avance comment cela va se terminer et on finit par s’ennuyer ferme tout en se sentant mal à l’aise face à une grossophobie ambiante dont on se demande s’il faut la prendre au premier ou au second degré.

Bref, c’est cucul, c’est gnangnan, c’est prévisible, ça manque d’humour, d’autodérision et de légèreté, en somme tout ce que j’attendais d’une lecture de vacances printanières. J’aurais adoré adorer mais c’est malheureusement un gros raté.

Sadie à Brides-les-Bains de Susie Morgenstern. Eyrolles, 2025. 310 pages. 17,90 euros.






jeudi 3 avril 2025

Sur la touche - Karen Viggers

Le roman s’ouvre avec l’arrivée d’une ambulance sur un terrain de football amateur australien. Apparemment une agression a eu lieu, on ne sait pas comment ni pourquoi. On sait juste qu’un joueur est allongé sur le sol et que sa mâchoire est fracassée. On rembobine ensuite neuf mois plus tôt pour faire la rencontre de Jonica, une mère de famille dont les jumeaux ados jouent dans une équipe de foot mixte. Alex le garçon et Audrey la fille sont mis sous pression par leur père, avocat et ancien joueur, qui voit en eux de futurs champions. Puis on découvre Carmen, maman de Katerina, l’autre fille de l’équipe. Au fil des chapitres on entre dans les pensées des parents et de leur progéniture, pour découvrir à quel point des enjeux extra-sportifs viennent pourrir une activité qui ne devrait pourtant rester qu’un simple loisir. Et on finit par comprendre comment les événements se sont enchaînés pour aboutir à l’arrivée de l’ambulance un jour de match.

La réflexion menée sur l’implication trop importante des parents dans les clubs de foot, sur et en dehors du terrain, est intéressante et présentée de manière plutôt réaliste. Tout comme les réactions des enfants, leur passage à l’adolescence qui fait évoluer leurs centres d’intérêt, quitte à les éloigner des occupations qu’ils adoraient étant plus jeunes. Karen Viggers jongle avec aisance entre ses protagonistes mais son propos est souvent aussi simpliste que caricatural. Même la question du harcèlement, abordée frontalement, se règle d’un claquement de doigt et transforme le coupable en agneau une fois ses agissements démasqués. 

Bref, l’autrice du best-seller La mémoire des embruns est, quelque part, tombée dans la facilité alors que le sujet aurait pu se prêter à bien plus de finesse et de nuances. Dernier point négatif, la platitude de son écriture, noyée dans un océan de dialogues aussi creux que dispensables. Vraiment pas une réussite.

Sur la touche de Karen Viggers (traduit de l’anglais par Aude Carlier). Les Escales, 2025. 360 pages. 23,00 euros.