Un roman indien de 1938 qui navigue entre comédie de mœurs et chronique familiale. Le ton est faussement léger et les rêves d’émancipation de Savitri résonnent de manière touchante. Cette femme qui se révolte en vain, prisonnière de traditions séculaires sur lesquelles elle n’a aucune prise, devra se rendre à l’évidence : impossible d’échapper à sa condition dans la bourgeoisie indienne des années 30.
La façon dont elle est traitée par son mari l’insupporte et elle ne se prive pas de lui faire remarquer : « Je suis un être humain. Vous autres hommes, vous ne l’admettrez jamais. Pour vous, nous ne sommes que des jouets quand vous êtes d’humeur à caresser, et des esclaves le reste du temps. Ne croyez pas que vous pouvez nous cajoler quand ça vous chante et nous donner des coups de pied selon votre bon plaisir ». Mais quelques pages plus loin, l’évidence la rattrape : « Que puis-je faire par moi-même ? Je ne suis pas capable de gagner une poignée de riz, si ce n’est en mendiant. Si j’étais allée au collège, si j’avais étudié, j’aurais pu devenir institutrice par exemple. J’ai été stupide de ne pas poursuivre mes études. […] Quelle différence y-a-t-il entre une prostituée et une femme mariée ? La prostitué change d’hommes, une femme mariée n’en change pas, mais c’est tout, toutes les deux sont entretenues de la même façon. »
Pour Ramani, il y a bien moins de questions à se poser : « Il admettait, bien sûr, que le Mouvement des femmes n’était pas complètement absurde : il n’y avait pas de raison de les empêcher de lire des romans anglais, de jouer au tennis, d’organiser des conférences nationales et d’aller de temps en temps au cinéma ; mais cela ne devait pas leur faire oublier leurs devoirs primordiaux d’épouses et de mère ; il ne fallait pas qu’elles essaient de singer les femmes occidentales, qui, toutes, vivaient dans un déferlement de libertinage et de divorces. Pour lui, l’Inde devait sa prééminence spirituelle au fait que les gens comprenaient que le premier devoir d’une femme était d’être épouse et mère, mais quelle femme gardait le droit d’être considérée comme une épouse, si elle désobéissait à son mari ? ».
Un très joli portrait de femme, tout en délicatesse. Seule la conclusion, bien trop abrupte, m’a laissé sur ma faim. Il faut dire que j’aurais aimé passer davantage de temps encore avec l’indomptable Savitri.
Dans la chambre obscure de R.K Narayan. Zulma, 2014. 185 pages. 8,95 euros.
Une lecture qui entre curieusement en résonance avec le roman dont je parle aujourd'hui... Les rêves d'émancipation, la révolte, le poids des traditions... Il pourrait me plaire...!
RépondreSupprimerJe pourrais te le prêter si vraiment il te tente.
SupprimerJ'apprécie souvent les romans indiens, et la façon dont ils parlent des femmes, celui ci pourrait me plaire...
RépondreSupprimerEt tu apprécies aussi cet éditeur donc tous les éléments sont réunis ;)
SupprimerJe ne sais pas pour le bouquin mais la première de couverture me tente toujours (ah les éditions Zulma ont tout bon avec leur design psychédélique).bisous
RépondreSupprimerJe suis bien d'accord avec toi, leurs couvertures sont toujours superbes !
SupprimerDes personnages qui ont l'air attachant.
RépondreSupprimerJe confirme, ils le sont !
SupprimerOooh ça me plaît ça ! L'Inde, années 30 (pas que j'adore particulièrement les romans thématique années 30 mais c'est intéressant parfois de voyager dans le temps), et thématique, tout me parle !
RépondreSupprimerHé, hé, un de plus que tu liras peut-être avant 2025 ;)
SupprimerUn portrait de femmes, de beaucoup de femmes, de trop de femmes...
RépondreSupprimerEt qui reste malheureusement très actuel.
Supprimerça me tente et me repousse, j'ai peur d'être trop touchée par le sort de cette femme... ah lala les traditions...
RépondreSupprimerTu n'as pas à avoir peur, la question est traitée avec une certaine forme de légèreté qui renforce davantage le propos je trouve.
SupprimerCe livre semble avoir beaucoup d'atouts... notamment de nous éclairer sur l'Inde dans les années 30.
RépondreSupprimerMalheureusement son propos reste très actuel.
SupprimerJe crois que je n'ai jamais lu Narayan.
RépondreSupprimerJe ne le connaissais pas non plus mais ce fut une belle découverte et j'ai envie de lire ses autres romans.
Supprimeroriginal, les années 30, l'inde...à priori pas pour moi mais la condition des femmes et le fait que le propos reste très actuel pourrait bien me plaire, je note donc. Merci pour la découverte un peu étrange (tu vois tu tournes pas rond mais on aime!)
RépondreSupprimerC'est vrai que ce roman sort de ma zone de confort, comme beaucoup d'autres d'ailleurs. Je ne tourne pas rond et je suis un lecteur curieux, ça suffit pour m'attirer vers des livres à priori pas du tout pour moi ;)
SupprimerIl me tente bien, parce que le sujet est quand même bien original et un peu militant; mais par contre les extraits me paraissent un peu légers (littérairement parlant) non ? A moins que ce soit la traduction. Mais j'aime l'idée quand même je note.
RépondreSupprimerL'écriture n'a rien d'exceptionnelle, c'est vrai. Mais cet auteur est un des plus grands noms de la littérature indienne du 20ème siècle et je suis bien content de l'avoir découvert.
SupprimerAaaah Zulma et leur formidable ligne graphique ! D'accord avec Philisine Cave !
RépondreSupprimerC'est simple mais toujours très joli. Et leurs ouvrages se reconnaissent au premier coup d’œil.
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